Un freeze-frame vient clore la dernière guerre de l'indo-germanique, John Rambo, dans un patelin enneigé non loin de Portland. Sur le dernier plan figé au grain apparent, le visage de l'ancien béret vert dissimule les traumas d'une Amérique fracturée et manipulatrice de ses enfants tombés au combat. Naissent alors des dommages collatéraux politiques et idéologiques comme ce mouvement de l'ultra-gauche prête à faire souffrir ses vétérans sans distinction aucune. Dans un cas comme dans l'autre, il n'y est question que de victimes et d'un ennemi commun sans visage placé-là tout en haut de la pyramide. C'est ce que conte Rambo dans son discernement des faits passés. C'est que conte différemment Rambo 2, sequel improbable née de l'exploitation d'une icône de guerre. Cette nouvelle incarnation musculeuse surarmée n'est pas née sous la présidence de Gerald Ford ou Jimmy Carter. En cause l'inertie totale d'un pays pensant encore ses plaies de l'investiture Nixon et du scandale du Watergate. Le vétéran demeure la créature du conservatisme Reaganien et devient cette extension culturelle d'une politique de l'offre basée sur des avantages fiscaux faites aux entreprises et une réduction d'impôts conséquentes. Rambo peut guerroyer sur le terreau de la croissance économique, lutter contre l'inflation galopante et en devenir l'incarnation de la gagne du peuple pour enfin accéder à la réussite sociale. L'image bodybuildee de Stallone se voit vampirisee par la renaissance d'un pays. Une récupération artistique illustrant corps et âme la réussite capitaliste d'un pays managé comme une start-up. D'un autre côté, l'américain de la middle class retrouve sa sérénité en transposant l'esprit du guerrier doloriste au cœur de sa sphère privée et professionnelle. On travaille, on s'accomplit. On sue. On récolte le fruit de son labeur. On se repose en famille. Toutes les valeurs du drapeau étoilé et du plan d'action "Le Laissez-faire" doctrine issue du libéralisme typique des eighties ravive la flamme perdue. Cette propagande assimilée au Captain America des années 80 dépasse en soi le cadre de la fiction. Récupéré par Ronald Reagan au profit d'un fait divers et ce malgré le mécontentement de Stallone, Rambo enfle dans l'inconscient collectif. Et ce n'est pas sans avoir tendu des perches au public américain sur la démonstration de force de sa machine de guerre cinématographique. Car ce qui transparaît avant toute autre chose, c'est le culte du corps. Le rapprochement entre le soldat fictif et le peuple se fait en premier lieu par identification. Rambo fait l'éloge du candide mais il donne aussi le change en incarnant le fantasme de l'invincibilité tout en rassemblant la vindicte populaire à l'égard des échecs passés. "Cette fois, nous y allons pour gagner ?" dit-il au Colonel Samuel Trautman ? Gagner, mais gagner quoi, pourrions-nous répondre en tant que spectateur bien loin de comprendre ce qui agitait les arcanes du pouvoir à l'égard de cette obscure guerre du Vietnam dont les tenants et les aboutissants semblent être d'une opacité sans pareille. Dans Rambo 2, le retour au Vietnam sonne, bien entendu, comme une revanche dans la bouche du guerrier mais elle retranscrit surtout l'ignorance du citoyen américain. Un raccourci puéril qui synthétise l'action menée sur le terrain et qui la convertit en loi du talion digne d'une rixe dans un bac à sable. Le sequel de First blood se donne les contours du grand spectacle, du sensationnalisme à tous les étages en y incorporant la touche anti-communiste primaire obligatoire. La lutte de Rambo contre "l'Union Soviétique dit "L'Empire du mal" corrobore le discours de Reagan : "La marche en avant de la liberté et de la démocratie laissera le marxisme-léninisme sur le tas de cendre de l'histoire". L'absence de nuance du quarantième Président des États-Unis est à la mesure du spectacle pyrotechnique régressif proposé. Conjointement, le cinéma et la politique copulent joyeusement dans l'auto-carricature jusquà ce que le tronc commun du nationalisme révèle des noeuds bien visibles dans le bois.
Si l'on décide de rester sur l'incarnation omnipotente de Rambo, entendons par-là une forme de déification de l'entité guerrière, l'ex-berêt vert s'apparenterait à Arès. Une vignette exposée sur les affiches qui, mieux qu'un discours, vanterait les vertus d'un pays à nouveau en pleine possession de ses moyens. Les premières impressions restent puisque exposées à la vue de tous durant sa campagne promotionnelle, la silhouette du soldat demeure une figure reconnaissable entre toutes (une race d'élite de sang Amerindien et Germanique portant bandeau et marcel déchiré). À l'avant scène, Rambo 2 : La Mission bande les muscles et galvanise la nation. Depuis trente cinq ans, le film de Cosmatos ne s'articule qu'autour de cette lecture. Mais de manière sybilline par l'entremise d'une poignée de dialogues et d'une rencontre, celle de Co Bao (Julia Nickson), Rambo 2 va présenter un nombre de contradictions avec les convictions politiques de l'administration Reagan. De ce que le Président Républicain appellera "la noble cause" de l'intervention au Vietnam et la fierté des vétérans en réponse à la mollesse du gouvernement Carter, Rambo, lors d'un échange avec une espionne anti-communiste rétorquera par le fait d'être remplaçable (en VF) et expendable (sacrifiable en VO). Une passerelle se créer alors entre First Blood et sa suite. Sa condition est clairement annoncée, le poulain de Trautman n'est qu'un guerrier parfait à la solde de son gouvernement. Un soldat apolitique excellent dans sa partie à l'instar d'un ouvrier polyvalent neutre travaillant dans le déni au sein d'une entreprise au chiffre d'affaire conséquent. Toute l'antinomie de ce film s'applique aussi à opposer son iconographie guerrière (le Maître d'arme - Le dieu de la guerre) sur laquelle repose l'ensemble de sa communication aux institutions sensées rétablir l'ordre et la vérité après une décennie de mensonges et d'embroglios potitiques. Rambo 2 n'est pas dupe et même si sa fonction se résume à divertir le peuple, sa nature contradictoire et échaudée n'accepte plus les cols blancs du gouvernements en place. Si la mission de Rambo n'était que de prendre des photos des camps et retourner au bercail, la vérité d'une machinerie destinée à mentir aux citoyens et à boucler salement des dossiers en suspens éclatera au grand jour. Sous l'aspect fictionnel et bien entendu manichéen, la bureaucratie est le vrai bad guy de ce sequel tiraillé entre son idéologie nauséabonde (et bien réelle) et son souhait de dévoiler les intentions d'un pays cynique maître dans l'art de créer des écrans de fumée. Et pour couronner le tout, pourquoi le métissage auquel l'Amérique et le Vietnam pourraient enfin avoir droit se solde-t-il par la mort du seul Amour de Rambo ? Pourquoi tant de désillusion, de rejet du bonheur ou d'abdication si le film ne fait basiquement que glorifier une guerre inventée de toutes pièces pour flatter les bas instincts d'une amérique honteuse ? Parce que derrière l'exploitation racoleuse, cette suite véhicule le message pessimiste d'une paix illusoire entre les belligerants. "À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire". Dans Rambo 2, derriere la propagande, il n'y a aucun triomphe et encore moins de gloire. Une victoire à la Pyrrhus ?