Marche à l'ombre
Trame policière, thriller, action, aventure, une pointe d’humour : Randonnée pour un tueur peut être considéré comme une référence en matière de récit efficace des années 1980. Si l’intrigue...
le 8 mars 2021
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Warren Stantin, un agent burné du F.B.I. (Sidney Poitier, forcément excellent) de San Francisco se fait avoir par un kidnappeur/voleur/tueur-de-sang-froid particulièrement vicieux. Alors que tous les aéroports et routes sont inspectés par la police on finit par retrouver sa trace dans les Cascades, chaîne montagneuse de l'extrême ouest américain, à cheval entre les Etats-Unis et le Canada. L'endroit parfait pour passer la frontière en toute discrétion. Problème : le chemin est dangereux et accidenté, le tueur s'infiltre alors dans un groupe de randonneurs pour progresser incognito et avoir l'assistance d'un guide de haute montagne (Kristie Alley, sous exploitée) pour l'emmener à la frontière. Le temps est compté pour Stanton qui recrute Knox (Tom Berenger, charismatique), guide chevronné, pour suivre la trace du groupe.
Un policier noir et citadin jusqu'au bout des ongles, un ermite blanc qui ne connait que la nature sauvage... "Randonnée pour un tueur" est donc un buddy movie en haute altitude. Les mécanismes restent classiques : ils se détestent d'emblée, essayent de se débarrasser gentiment l'un de l'autre, se lancent des vannes plus ou moins vaches, sont forcés de collaborer puis finissent par s'apprécier.
La principale originalité vient donc du décor : la chaînes des Cascades, entre l'état de Washington et la Colombie Britannique, qui culmine tout de même à 4392 mètres d'altitude avec le mont Rainier (C'était la minute culturelle de cet article).
Evidemment cette barrière naturelle sert au fonctionnement de notre couple improvisé dont le décalage nourrira quelques dialogues sympathique et quelques moments humoristiques plutôt réussis. On pensera notamment à ce passage absurde où l'agent Stantin découvre un élan au petit matin (le contre-champs sur le visage de Sidney Poitier est à crever de rire) et à cet improbable face-à-face avec un Ours propice à une allusion savoureuse sur la condition des noirs. Les deux acteurs ayant un charisme naturel on s'attache très vite à eux, même si l'évolution de leur relation reste dans les canons du genre.
Parallèlement au couple star il y a le groupe de randonneurs. L'identité du tueur étant inconnu ce second point d'intérêt apporte une petite dimension Whodunit au film. Un mystère plutôt bien entretenu puisque le montage reste relativement équilibré concernant les 5 suspects et que chacun d'entre eux développe une attitude étrange. Le premier a mal au pied comme si ses chaussures étaient trop petites pour lui (on sait que le tueur à voler les affaires du vrai randonneur), le second à plein d'histoires de montagne mais il ne peut donner aucune indication précise (les aurait-il inventé ?), le troisième est nerveux sans raison et à une sale trogne (Andrew Robinson, le Scorpio de Dirty Harry), le quatrième est obsédé par l'idée de trouver une radio et de ne pas perdre de temps, le dernier semble n'avoir rien à faire là puisqu'il n'a pas la condition physique ni l'expérience nécessaire pour cette randonnée.
Le scénario a l'intelligence de jouer cette carte sans l'étirer inutilement en évitant de faire de l'identité du tueur la révélation finale qui tiendra tout le film. Le suspens est là mais il n'a pas le temps de s'étioler. Ainsi, lorsqu'il est inévitablement pris en défaut, notre psychopathe évite toute sophistication et tranche dans le lard, froidement. L'important reste la traque et le périple, nous ne sommes heureusement pas dans un slasher.
La caméra de Roger Spottiswoode (scénariste de 48 Heures, autre buddy movie bien connu des années 80) restitue bien la beauté et la dangerosité des splendides paysages. S'amusant avec les différents reliefs (forêt épaisse, lac bucolique, aplomb rocheux, canyon vertigineux, glacier hypnotisant) il offre à cette chasse à l'homme une dose d'aventure tout à fait agréable. Chutes, escalades, courses, intempéries... les rebondissements sont nombreux et variés. Les scènes d'action sont lisibles et fonctionnent bien. La tension et la sensation de danger sont palpables grâce à des cascades assez impressionnantes (dont un saut dans le vide en contre-plongée) et à un montage qui n'hésite à revenir régulièrement aux plans larges.
On voit ainsi que nos acteurs/cascadeurs sont vraiment pendu sur une paroi à pic, vraiment coincé dans une faille, vraiment suspendu au dessus du vide. Même si le réalisme est écorné à plusieurs reprises (on reste tout de même dans du divertissement riche en testostérone), le sentiment de ne pas assister à du bullshit en studio ou sur fond vert ajoute indéniablement une vraie implication dans l'action; ce qui fait toujours plaisir.
D'une manière générale la mise en scène reste propre et s'avère aussi solide en milieu urbain qu'en terrain sylvestre.
Fils de La sanction et père de Cliffhanger, Randonnée pour un tueur ne révolutionne pas le(s) genre(s). Il possède néanmoins une vraie personnalité et une vraie efficacité pour dérouler son intrigue et ses rebondissements, il assure le spectacle en soignant ses scènes d'alpinisme. Le cadre montagnard parfaitement exploité insuffle à cette traque policière une dimension supplémentaire. Même si la fin s'avère plutôt quelconque (pourquoi le tueur garde-t'il encore l'otage ? c'est complètement idiot), elle ne suffit pas à gâcher ce film d'action plus que recommandable.
Rarement cité aux côtés des cadors du buddy movie, Randonnée pour un tueur mérite cependant d'être redécouvert par les amateurs du genre. Des scènes d'action réussies, un duo principal qui fonctionne, un peu d'humour, un vrai psychopathe, une mise en scène qui assure... que demande le peuple ?
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Créée
le 4 mars 2012
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