Il y a un nouveau lézard en ville...
Dans la 'guerre' touchant le monde du cinéma qui fait rage actuellement, la grande bataille de l'animation se divise en plusieurs camps dont trois dominent largement le terrain. On a le camp de l'animation japonaise, le camp Disney/Pixar et le camp Dreamworks... Dans cette guerre de tranchées ou tout les coups sont permis, que peut faire un petit studio comme Nikelodeon dont les films sont souvent tres moyens, voire mauvais, et dont les quelques experiences de l'animation se limitent, dans l'immense majorité, aux longs métrages issues des series animées qu'ils produisent pour la télévision..? Et bien la réponse et simple : ils peuvent créer une petite surprise qui en étonnera plus d'un.
Débauchant pour le coup Gore Verbinski, fort de sont experience en realisation chez Disney, pour la réalisation, histoire de donner un peu de crédibilité et un bon potentiel à leur film. Grande idée que voilà, car au final c'est peut être le 'dessin animé' que j'aie vu qui se rapproche le plus d'un 'vrai' film... La réalisation est quasi exemplaire et on lui reprochera surtout une baisse de régime en milieu de métrage qui creuse le rythme, et rend le film presque long et chiant pendant une vingtaine de minutes, avant de repartir sur un bon tempo en crescendo qu'il tiendra jusqu'au générique de fin. Hormis cette cuvette, on retrouve ce qui à fait le charme et le succès des films de Verbinski, enfin la majorité de ses films, avec de l'action en grande pompe made in Hollywood, un humour bien placé et une réalisation digne des classique du divertissement à l'americaine. L'intelligence de Verbinski ici est d'avoir voulu aborder l'animation comme un film classique. En choississant de tourner son film avec les vrais acteurs filmés sur fond vert et sans capteurs pour ensuite faire appel à ILM pour tout recouvrir de CGI comme ils le font d'habitude, le rendu du film est vraiment surprenant et interessant. On découvre un cinéma d'animation plus mature, plus 'adulte', qui bouleverse les canons du genre car contrairement à un film d'animation classique, ce n'est pas l'acteur qui s'adapte pour doubler un personnage, ce sont les animateurs qui s'adaptent aux acteurs en tachant de reproduire leurs gestes, leurs expressions et essayer de retranscrire au mieux leurs émotions. Une originalité qui paye, surtout avec une qualité d'animation comme celle là...
Le travail de Verbinski se sent aussi dans les indications qu'il donné au scénariste John Logan. Le personnage principal, Rango, est déjà un très bon exemple de ce travail car il n'est pas qu'un simple anti-héros qui subit une suite d'événements, il est surtout un personnage complexe aux inquiétants troubles de la personnalité, avec un penchant non dissimulé pour la mythomanie et qui se retrouve dépassé pas ses mensonges et son imagination. D'une suite presque banales de concours de circonstances, on découvre ce personnage complexe et profond au multiples visages, et pour arriver à tout suivre, chose excessivement rare dans un long métrage d'animation américain, cela demandera une bonne part de réfléxion et/ou plusieurs visionnages... Les personnages secondaire ne sont pas en reste non plus avec une galerie de personnages quasi 'type' d'un western se retrouvant pour le coup projeté dans un univers atypique mais étrangement familier car ses personnages on les retrouve bien souvent dans les films d'animation de ces dernieres années. Loin d'être dans le cliché ou le stéréotype, les personnages et l'univers tiennent nettement plus de l'hommage et de la 'référence pour connaisseur', ce qui est à double tranchant. En effet, un spectateur qui n'est pas aficionado de bon vieux western, aussi bien spaghetti qu'americain, ne verra pas certaines références, pourtant délicieuses, comme par exemple des clins d'oeil à Sam Peckinpah, John Ford, John Wayne; mais il y verra, par contre, bien évidemment le gros clin d'oeil à l'incontournable Clint Eastwood... D'autres références, parfois subtiles sont disséminés dans le film, comme des allusions plus ou moins facile à la carrière de Johnny Depp, des petits clins d'oeil à Star Wars et bien d'autres qui raviront surtout les adultes.
Il faut dire ce qui est, mis à part le coté 'animation', ce film n'a pas grand chose qui puisse réellement fasciner un jeune public. A l'instar de Wall-E ou de Monsters VS. Aliens qui glissaient juste quelques références pour amuser les adultes qui accompagnaient les enfants, ce film fait plutot l'inverse et propose un scénario destiné aux adultes avec quelques séquences très amusantes pour distraire les enfants qui les accompagnent... Pari risqué, mais l'animation sans faille, les splendides décors, les personnages décalés et leurs mimiques parfois hilarante, aussi criante de réalisme que cartoonesque, les scènes d'actions menée tambour battant et l'ambiance globale assez déjantée peuvent néanmoins suffire à satisfaire un jeune public. L'idée à quand même un coté que je trouve remarquable... C'est vrai, il m'est arrivé de voir des films étant jeune et de ne pas trouver ça bien, de ne pas tout comprendre et d'en garder un souvenir mitigé, voire mauvais, mais en le revoyant bien des années plus tard, le film m'est apparu sous un nouveau jour, j'ai compris ce que je n'avais pas saisi à l'époque, j'ai découvert toutes ces subtilités qui m'échappaient, et j'ai pu apprecier le film à sa juste valeur. Et bien je pense sincèrement que Rango est un film qui provoquera cette situation chez pas mal de monde et lui fera, dans un avenir plus ou moins lointain, jouir d'une certaine réputation, et pourquoi pas, devenir 'culte'.
Si le scénario est intelligent, il n'est pas sans défauts. La cuvette en milieu de film en est un exemple frappant car cette longueur et cette baisse de rythme majeure auraient certainement pu etre évité. Il y a aussi quelques dialogues plutot plats et sans grand interets, des personnages parfois pas assez développés, une complexité narrative qui pourra embarrasser quelques spectateurs et un final assez facile et attendu.
Pour palier à ce genre de défaut, on constate que demander à ILM de traiter l'integralité du film était une brillante idée. On connait tous leurs prouesses et tout ce qu'ils ont pu apporter aux effets speciaux numérique, on sait quel bonds en avant ils ont réalisé pour les techniques d'imageries et de trucages numériques, on connait leur talent pour animer des CGI et les rendre réaliste, et les gens du métier le savent aussi puisque qu'ils ont dans leurs tiroirs pas moins de 17 Oscars des meilleurs effets visuels...
Même si ils avaient déjà touché à un peu d'animation pure et dure en travaillant un peu sur le long métrage d'animation Little Chicken ou encore pour avoir participé d'assez loin à la serie d'animation Star Wars: The Clone War, ce film est le premier sur lequel ils ont fait tout le gros oeuvre de A à Z. Et bien pour une 'premiere', le résultat est stupefiant... La plupart des décors sont fabuleux, si bien que sur certains plans on croirait sincèrement voir de la prise de vue réelle... Ils se sont aussi bien gavé avec le concept de Gore Verbinski et se sont attaché à reproduire le plus fidèlement possible la gestuelle, le jeu et les mimiques/grimaces des acteurs. Même si esthétiquement le graphisme n'est pas plus aboutit que chez les autres studios, on remarque, et on les en remercie, un travail fabuleux et original sur l'animation.
On pourra remercier aussi Hans Zimmer qui nous gratifie d'une bonne bande originale, directement inspirée par le maître du genre, Ennio Morricone, que l'on pourrait aussi remercier dans l'élan, car sans lui le l'univers musical du cinéma, et du western en particulier, ne serait pas ce qu'il est ;)
Coté casting (en VO, of course), c'est assez fantastique de voir à quel point la plupart des acteurs se sont prêté au jeu, et à cette nouvelle façon de réaliser un film d'animation, avec aisance. Aidé par le scénario et un réalisateur qu'il à fréquenté le temps d'une célèbre trilogie, Johnny Depp se lâche et nous offre une prestation toute en subtilité et en energie, donnant vie à ce lézard d'une façon naturelle fort plaisante, décalé et décomplexé au possible, et n'hesitant pas à s'auto-parodier au détour de certains clins d'oeil, ce qui enchantera les cinéphiles avertis. Si son jeu n'est pas sans défauts, il à le mérite de convenir largement à l'exercice et c'est surement le principal. Isla Fisher est bien dans son rôle aussi, même si je dois avouer que je l'attendait un peu plus déjantée et délurée, mais que voulez vous, le réalisateur et moi n'avons peut être pas la même perception de son potentiel et les même attentes envers cette actrice prometteuse mais trop peu exploitée. Dans les autres prestation notable, je retiendrais aussi Timothy Olyphant qui livre un fantastique Esprit de l'Ouest et Bill Nighy qui est tout simplement magistral dans le rôle de Jake. Les prestations de Ned Beatty, Alfred Molina, Abigail Breslin et Ray Winstone sont vraiment bien aussi, mais elles ne sont pas aussi marquantes que celles de leurs comparses.
Frais, original et interessant à plus d'un titre, Rango est finalement une experience plutot positive. Le concept novateur permet une redécouverte du cinéma d'animation, l'histoire est assez prenante et conduit à certaines reflexions qui ne font pas de mal et nous change de ce qu'on à l'habitude de voir dans ce genre de films. On pardonnera difficilement quelques passages mal maitrisés dans le rythme, la réalisation, ou le scénario inconstant et parfois trop convenu, mais on se consolera avec l'intelligence et la profondeur de ce film avec ses multiples niveau de lecture, ainsi qu'avec un visuel frôlant l'enchantement.
Un film atypique qui avec un univers western déjantés, une galerie de personnages attachants et drôles et des idées plus que bienvenues, se pose comme "ze nouveauté" et peut etre le renouveau du cinéma d'animation en images de synthèse.
A voir au moins une fois, ne serait-ce que par curiosité