Avant de rédiger cet avis, je me suis longtemps demandé pourquoi, à la sortie de la salle, j'étais à la fois enchanté, et pris d'une sorte de tristesse infinie.


Après avoir lu les quelques avis qui traînent sur le site et ailleurs, je pense avoir compris pourquoi. Surtout au vu de l'accueil bien tiédasse, voire cynique, réservé au film, à son caractère fade, à son rythme soi-disant paresseux, à son absence d'enjeux, à sa prétendue platitude. On se demanderait presque ce que l'animal critique qu'est devenu l'internaute lambda en mode 2.0 attendait de cette oeuvre.


Alors même que Raoul Taburin, en renonçant à défier les lois de l'attraction terrestre, ne fait qu'emprunter, finalement, la maladresse de son personnage principal, ainsi que les chemins innervant l'univers de son papa de papier, Sempé, dans ses aspects les plus tendres, candides et désarmants de simplicité. Dans un décor de France du Sud intemporelle, avec ses ruelles serpentant toutes vers le centre du bourg minuscule.


Les enjeux jugés fragiles ne sont que prétextes. Derrière cette imposture ou cette incapacité à chevaucher un deux-roues, il y est beaucoup plus question du poids du secret, de ces complexes et de ses tares dérisoires qui nous transpercent, cette honte aussi infondée que finalement ridicule qui empêche de pleinement s'accomplir et de s'ouvrir à l'autre. Alors même que Raoul Taburin est un véritable orfèvre, qui règle les bicyclettes souffrantes avec l'oreille de l'accordeur de pianos testant ses accords.


Des petites peurs et des petits mensonges anodins qui fondent l'âme d'un film humble et magique, qui parlera sans doute à l'enfant que certains n'ont jamais réellement cessé d'être. Raoul Taburin est à la fois et tour à tour simple, délicat, maladroit, sincère, mélancolique, absurde et d'une poésie discrète chargée de la véracité des souvenirs de l'enfance, de l'amour et de l'admiration paternels et des petits tourments que l'on a tous pu éprouver devant la difficulté.


Raoul Taburin émeut et fait rêver. Il fait faire des loopings avant de tomber dans le lac, avant de se parer de quelques touches d'un humour malicieux à des années-lumière de la mauvaise comédie que l'on aime tant, pourtant, détester. Il reprend à son compte une scène culte, en en retirant le même émerveillement, cette minuscule touche de grâce qui achève de convaincre le spectateur, emmené sur les petites routes de campagne d'une certaine innocence, d'une absence totale de malice aux allures de fable universelle et apaisée. Devant laquelle on ne peut qu'éprouver une empathie bienfaisante, amusée et salvatrice.


Avant de rédiger cet avis, je me suis longtemps demandé comment essayer de traduire mon amour et ma tendresse pour ce Raoul Taburin.


Et je n'ai trouvé que ces quelques mots. Pas sûr que ceux-là suffisent, malheureusement, devant toute cette indifférence polie, ce dénigrement dédaigneux dont il fait l'objet.


Car j'avais oublié que la sincérité et le petit supplément d'âme ne faisaient que très rarement recette au cinéma.


Behind_the_Mask, qui vient juste de découvrir les lois de l'attraction.

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le 6 mai 2019

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