Mon premier Kurosawa, une expérience particulière pour moi qui ne suis personnellement pas un grand amateur de cinéma asiatique, et bien "Rashômon" va peut être m'en réconcilier ...
Dans le Japon du XIème siècle frappé par la guerre civile trois hommes attendent la fin de la pluie sous la porte Rashô, l'un d'eux est troublé par la mort d'un homme dans la forêt et du procès du prétendu meurtrier, les témoignages divergent, qui croire ?
Kurosawa nous soumet l'idée que l'homme est foncièrement médiocre, qu'il n'a plus foi en l'humanité, et nous l'expose par cette réalité altérée où tout les personnages montrent leurs failles au fur et à mesure du film, le tout dans un décor contrasté, des ruines pluvieuses aux forêts luxuriantes avec une utilisation presque onirique du clair obscur.
À l'instar des hommes la nature reste bienveillante, leur rapport est intéressant, elle reste juste, qu'elle soit maternelle, punitive ou purificatrice, Kurosawa a su capter cette subtilité qui sublime son long métrage et sa narration. Sa mise en scène rend souvent les situations tragicomiques, tombant dans une exagération volontairement cynique (comme ce combat interminable dans l'avant dernière séquence), elle reflète sa vision exacerbée de la réalité, que l'homme ne cesse de corrompre autrui et lui même.
Le procès est montré d'une bien étrange manière, on ne voit aucun juge, ils ne sont même pas suggérés, comme si au final nous étions seuls décisionnaires de cette affaire, et ce point de vue renforce l'introspection, ce qui ne manque tout de même pas de nous perdre devant ses témoignages où chacun semblent avant tout défendre son propre intérêt et honneur, le monde est pourri. Impossible d'avancer dans cette affaire, on fait du sur place face à la malhonnêteté des protagonistes, tout est relativement pessimiste quand à la vision que se fait Kurosawa de l'homme et de sa morale, et on ne peut qu'appuyer son propos.
Qui croire ? Tajomaru ? Masago ? Le fantôme de Takehiro ? Même l'apparente sincérité du bûcheron est trompeuse, je ne pense pas que cette affaire soit résoluble, elle est ouverte à l'interprétation, mais finalement est ce utile de reconnaître le vrai du faux ? Je ne pense pas, Kurosawa veut juste redonner foi en l'humanité, symbolisé par ce dénouement où l'apparition de ce nouveau né permet d'éclaircir l'avenir de l'homme, ou du moins de l'entrevoir.
"Rashômon" apparaît comme une œuvre sensitive, philosophique, relativement complexe en apparence mais qui arrive à retransmettre une véritable magie que ça soit dans la réalisation, la photographie et la mise en scène, les interprétations sont saisissantes. Pour un premier Kurosawa c'est extrêmement encourageant, j'ai vraiment été conquis et je vais forcément me résoudre à rattraper mon retard quant à sa filmographie.