Depuis Mortal Kombat jusqu’à Silent Hill, l’adaptation cinématographique de licences vidéoludiques a toujours été un art périlleux, qui a souvent donné naissance à des désastres artistiques aux antipodes du jeu d’origine. Au problème de la création du film se rajoute celui de sa réception : les producteurs doivent à la fois séduire un public composé de fans de la première heure qui ne pardonneront aucune entorse au jeu, tout en draguant des spectateurs néophytes. Malheureusement, si Ratchet et Clank est une adaptation très fidèle des jeux vidéo du même nom, il est à fort à parier qu’elle laisse indifférents les spectateurs profanes.
Ratchet, jeune lombax mécanicien, rêve du jour où il pourra enfin accomplir son destin en devenant un ranger de l’espace. Après avoir tenté sans succès le casting pour faire partie des rangers, celui-ci fait la connaissance de Clank, petit robot conçu par erreur par Drek, le grand méchant du film. Ce dernier souhaite construire une armée de robots afin d’étendre son pouvoir en asservissant la galaxie tout entière. Ratchet et Clank vont devoir employer tous les moyens pour convaincre les rangers de l’espace de se ranger à leur cause…
Les producteurs, craignant d’être désavoués par la solide communauté de fans du jeu vidéo d’origine, ont choisi de transposer à l’écran le scénario du premier opus, plutôt que d’en créer pour l’occasion. Néanmoins, ce canevas de base est étoffé par un certain nombre d’intrigues parallèles ainsi que par des personnages extraits des autres opus de la licence. Sorte de cinématique géante, le film enchaîne les péripéties à un rythme effréné, parfois au risque de perdre son spectateur dans les virages. Le caractère pêchu du jeu est transposé grâce à un montage rapide, qui privilégie les gros plans rapides sur les visages de synthèse aux longs panoramiques sur les paysages. Si ce choix artistique se justifie dans la mesure où Ratchet et Clank est effectivement un jeu d’action, il trouve toutefois ses limites dans le manque de profondeur accordé aux personnages. À mille lieux de la densité scénaristique des films Pixar, le film se complait dans une superficialité qu’on croyait pourtant avoir été bannie des productions pour enfants. Cela est d’autant plus décevant que les jeux vidéo éponymes font montre de finesse en abordant des thématiques aussi complexes que la solitude ou la difficulté d’être accepté par les autres.
Néanmoins, si le scénario et la caractérisation des personnages semblent avoir été bâclés, le caractère amusant des dialogues ainsi que la qualité de l’animation viennent compenser (en partie) le tout. L’humour – très bienséant – est en effet omniprésent dans la licence d’origine, qui n’hésite pas à en faire sa marque de fabrique. Ici, les traducteurs ont redoublé d’efforts pour proposer des équivalences culturelles françaises aux gags américains du film. Ce procédé, déjà utilisé par les productions Disney, permet d’ancrer directement le film dans son territoire de réception. Les doubleurs eux-mêmes semblent s’amuser de ce décalage, en parodiant les personnages qu’ils incarnent habituellement. La palme revenant à cet improbable « Je vous emmerde et je rentre à ma maison », lancé par le doubleur de Cartman qui interprète ici le Docteur Nefarious. Cette question du doublage soulève toutefois une autre polémique, celle de n’avoir pas utilisé les voix habituelles du jeu vidéo dans le film. Si l’on peut parfaitement comprendre l’impression que ressentent les fans d’être dépossédé de personnages familiers, il faudrait être de bien mauvaise fois pour ne pas reconnaître la qualité du doublage proposé ici. Squeezie, principalement connu pour ses vidéos YouTube, propose ainsi une interprétation plus candide de Ratchet, qui colle bien avec le caractère juvénile d’un personnage qui découvre peu à peu sa force.
L’exotisme du jeu d’origine, qui faisait se succéder les planètes aux décors tantôt bucoliques et tantôt sauvages, a ici totalement disparu au profit d’un unique décor de navette spatiale. Ce cloisonnement spatial des situations est toutefois compensé par une belle qualité d’animation, qui exploite tout le potentiel cartoonesque des personnages.
Ratchet et Clank est donc un film dispensable, qui semble plutôt s’adresser aux gamers déjà connaisseurs de l’univers qu’à des spectateurs néophytes. À trop craindre de décevoir les fans, les producteurs finissent par en faire trop et à noyer le film sous les références plus ou moins subtiles au jeu d’origine. Le film devient un serpent qui se mord la queue, une sorte de cinématique géante dont on attend désespérément qu’elle se termine pour pouvoir ENFIN jouer. Malheureusement, ça sera sans nous.
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