Après le très controversé Much Loved, Nabil Ayouch est de retour avec un film aux ambitions folles : Razzia. Une oeuvre chorale au sens le plus fort du terme, avec au moins 5 intrigues distinctes, commençant en 1982 dans les montagnes de l'Atlas et se terminant de nos jours dans les rues de Casablanca. Une ville au bord de la crise de nerfs peuplé de personnages en quête de libertés individuelles, personnelles et intimes, des thématiques que l'on retrouve dans tous les métrages du cinéaste. Le réseau narratif que Ayouch a mis en place fonctionne parfaitement comme entité globale et un tout petit peu moins quand on prend les différentes histoires séparément, certaines d'entre elles sortant vraiment du lot. Dans ses meilleurs moments, il se dégage du film une puissance extrême qui se mêle heureusement avec une poésie âpre et un art de la provocation qui le fera sans doute difficilement accepter par certaines communautés au Maroc. L'ensemble est une critique assez dure d'un pays miné par la corruption, les inégalités sociales, le fondamentalisme religieux ou encore la frustration sexuelle. "Il n'y a rien de plus beau que le ciel de Casablanca" s'exclame l'un des principaux personnages. De là à le voir bientôt s'embraser et être le témoin d'une contestation de plus en plus violente, il n'y a qu'un pas que Nabil Ayouch semble près de franchir. A ce titre, son film, par ailleurs superbement réalisé, semble aller bien plus loin qu'un simple constat de déliquescence vers une prophétie tragique.