A peine neuf semaines après la sortie du magnifique Pentagon Papers, l’inépuisable et plus que jamais génial Steven Spielberg revient à la science fiction avec le très attendu et en même temps redouté Ready Player One. Adaptation d’un best-seller narrant les aventures d’un jeune garçon dans un univers parallèle en Réalité Virtuelle nommé « l’oasis », seule échappatoire à un monde futuriste dévasté. Salué presque unanimement à sa sortie, il voit naître contre lui finalement quelques voix discordantes. Chef-d’œuvre méta ou assommant dégueulis de références pop en numérique ? On vous répond tardivement et avec des spoilers.
A la fin de cette longue et virevoltante aventure, le personnage principal du film se retrouve confronté à James Hallyday, le créateur décédé du fameux « Oasis » dans son ancienne chambre d’enfant, là où tout a commencé. Je reviendrai plus tard sur la beauté de ce retour éminemment spielbergien dans le cocon enfantin. Mais la scène s’achève surtout par une phrase magnifique du créateur – incarné par le toujours très convaincant Mark Rylance déjà vu chez le maître dans deux de ses précédents films Le Pont des Espions (2015) et Le Bon Gros Géant (2016) – adressé à son meilleur joueur : « Merci d’avoir joué à mon jeu ». Impossible de ne pas attribuer cette phrase au réalisateur lui-même remerciant le spectateur attentif qui a joué le jeu. C’est d’autant plus beau que c’est la question essentielle : comment de nouveau « jouer le jeu » ? Comment, en 2018, peut-on de nouveau entrer pleinement dans un film et dans ses surprises ? Comment croire encore aux rebondissements et aux émotions de l’Entertainment ? Comment foncer candidement et joyeusement dans les enjeux et les émotions naïves du cinéma de divertissement ? Toutes ces questions, déprimantes, pourraient sembler dérisoires si elles n’étaient pas devenues inévitables depuis plusieurs années. Dans les colonnes de Fais Pas Genre – et chez beaucoup de nos confrères – il est devenu de bon ton de s’offusquer contre la disparition du premier degré dans les blockbusters américains contemporains sous l’influence de franchises interminables et cyniques. Je peux en parler d’autant plus librement que je suis le premier à m’en attrister à longueur d’article. Mais on finit par en oublier ce qu’est le premier degré, ce que cela signifie et implique. Si la question se pose aujourd’hui particulièrement, c’est qu’il semble impossible de regarder un divertissement et qu’il nous soit pleinement accessible sans un seul clin d’œil en son sein, sans jamais que le spectateur ne soit cherché dans une forme de connivence geek pour adhérer à l’univers proposé. Sur le papier, Ready Player One se situe dans la droite lignée de ce phénomène contemporain, son univers principal, « l’Oasis » étant un réservoir de références à des œuvres de la pop culture, et le cœur de son intrigue et de sa résolution progressive se trouvant eux-mêmes dans des références. Pourtant, il est d’abord et avant tout la réponse sage et ludique d’un immense cinéaste à toutes ces larges et contemporaines questions.
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