Le temps passe, le monde évolue, mais certaines légendes demeurent. Voilà bientôt cinq décennies que Steven Spielberg nous fascine, nous effraie, nous émeut, grâce à une filmographie incroyablement riche en films cultes, dont certains sont devenus de vrais classiques du septième art. L’homme a expérimenté nombre de genres et de styles tout au long de sa carrière, et bien que jeune septuagénaire, il ne semble pas près de s’arrêter. Cette année, il nous aura proposé non pas un, mais deux films. Après Pentagon Papers, racontant une histoire vraie, le voici dans un registre tout autre, dans un univers beaucoup plus coloré, imaginaire et fantastique, celui de l’OASIS, ce monde virtuel qui nous est décrit dans Ready Player One, qui est déjà l’un des plus gros phénomènes cinématographiques de l’année.
J’avais déjà lu divers retours à propos de ce film avant d’aller le voir, et ils étaient globalement très positifs. Un véritable engouement semblait se créer autour de Ready Player One, mais il fallait rester mesuré. J’avais peur, avant tout et surtout, de la profusion de références présentes dans le film et risquant de le transformer en un gigantesque foutoir à fan-service, au détriment de la production d’une véritable œuvre marquante et unique. Une peur d’ailleurs légitimée par la communication réalisée autour du film. Alors oui, le film est truffé de références, parfois très visibles, parfois représentées sous la forme d’un rapide clin d’œil. Mais ce serait un tort de blâmer le film pour cela.
Le premier point intéressant concernant Ready Player One concerne sa vision du futur. Spielberg n’invente ici rien, puisqu’il adapte le roman Player One d’Ernest Cline, mais il parvient à lui donner vie de fort belle manière, créant une sorte de vaste dystopie numérique dont l’existence future, au vu des évolutions technologiques, semble tout à fait probable. La VR, en plein boom depuis quelques années, est devenu un véritable exutoire, l’opportunité pour les gens de s’évader dans un monde où tout est possible, pendant que le monde réel est à l’agonie. Plutôt que de tenter de résoudre les problèmes qui accablent la Terre et la société, les gens préfèrent tourner le regard vers l’OASIS et fuir dans cet univers virtuel. L’Homme, responsable de sa propre déchéance, se soustrait à sa propre culpabilité et devient l’outil d’une immense machinerie qui le dépasse et le transcende.
C’est une vision actuelle de notre futur, comme on a pu le voir dans divers films d’anticipation dans le passé, transposant toujours une part de l’époque actuelle dans le futur. Et à ce jeu, Ready Player One fonctionne parfaitement. Je parlais du réel, mais le virtuel est également plein de bonnes surprises et de passages qui valent le détour. Ici, Spielberg parvient à tenir le pari d’associer réalité et animation, créant une symbiose entre les deux et parvenant à judicieusement exploiter les écarts entre les deux. Le film se permet plusieurs fulgurances, notamment la course inaugurale, totalement spectaculaire, coupant le souffle du spectateur et montrant encore une fois que Spielberg a plus d’une corde à son arc pour nous impressionner.
En soi, Ready Player One demeure un film pop-corn par excellence, avec un scénario très classique, des personnages habituels, et faisant appel à diverses références pour nous rappeler de bons souvenirs, mais ne le faisant jamais gratuitement. Spielberg fait ici du Spielberg, il réalise un blockbuster spectaculaire pour petits et grands, capable de parler à tous, d’impressionner, d’émerveiller et, aussi, de faire réfléchir. On sent que le cinéaste a pris du plaisir à réaliser ce film, et il parvient à nous en mettre plein la vue. Notre nostalgie et notre regard plus adulte qu’avant nous ferait dire que c’est un film oubliable qui n’arrivera jamais à la cheville des grandes œuvres de Spielberg, ce que ses détracteurs auraient tendance à exprimer. Mais on a bien affaire à un film caractéristique du cinéaste, un bon film pop-corn qui montre que le cinéaste est loin d’être dépassé, parvenant encore à exploiter ce qui a fait son succès avec brio.