Spielberg nous présente ici une chasse au trésor grand spectacle comme il les affectionne. Et que ce soit au niveau du spectacle visuel ou au niveau de l’intrigue, le contrat est rempli. Le mélange entre motion capture et prises de vues réelles est très bien maîtrisé, les scènes d’actions entrainantes et la recherche de l’easter egg très divertissante. L’OASIS est exubérante, inventive et l’occasion d’en prendre plein la figure. Spielberg manie toujours aussi bien la caméra et les acteurs sont convaincants.
Pour autant, si la forme du film est réussie, le fond souffre de pas mal de défauts.
Je vais commencer par un sujet sensible : l’utilisation des références de pop-culture. Si certaines sont intéressantes et bien intégrées dans le film —le cube de Zemeckis, le jeu Aventure sur Atari, les lunettes de Clark Kent entre autres—, beaucoup d’autres sont complètement gratuites. Beaucoup, beaucoup, beaucoup d’autres. On se retrouve face à une diarrhée de pop-culture sans queue ni tête, souvent fort déplaisante. Et comment faire autrement ? Trop de références tue la référence.
Mais le problème principal du film réside dans son histoire un peu faible —n’ayant pas lu la nouvelle je ne sais pas si c’est juste un soucis d’adaptation—. Il faut dire que dès le début ça sent un peu le pâté, car on a droit à une introduction explicative narrée par Wade de presque dix minutes ! Un record ? C’est en tout cas un terrible échec de la fameuse maxime “show, don’t tell”.
Beaucoup de moments importants pour l’intrigue ou le développement des personnages sont passés sous silence —formation des High 5, relation entre Halliday et Og, découverte de la dernière épreuve, Perzival le loup solitaire devenant tout à coup un meneur d’hommes, les deux japonais en général…—. Cela sent au moins en partie les scènes coupées au montage.
Plus généralement, on se retrouve confronté à tout un tas de questions sans réponse, petites comme grandes. Si autant de monde est addict à l’OASIS, “ne s’arrêtant que pour manger et aller aux toilettes”, comment tourne l’économie réelle ? Comment les gens qui jouent soudainement dans la rue ne se mangent pas un mur au bout des dix premières secondes ?
Pourquoi Perzival doit-il refuser une première fois la récompense lors du “test caché”, alors qu’il va l’obtenir à la fin ?
Un autre marqueur de la faiblesse de l’histoire est l’utilisation de bienheureuses coïncidences —aussi connues sous le nom d’”écriture paresseuse”— :
Heureusement que tous les personnages principaux habitent dans la même ville.
Heureusement que l’ado japonais est aussi un expert en arts martiaux dans la vraie vie.
Heureusement que la jeune fille mignonne dans le jeu est une jeune fille mignonne dans la vraie vie.
Et la pire trahison scénaristique possible arrive en fin de film. On nous présente littéralement un gros bouton rouge —qui sert à détruire l’OASIS— qui ne sera jamais utilisé, jamais au centre du récit, tout ça pour rester sur la fin qu’on avait devinée avant même de voir le film : Wade résout l’énigme, il sauve le monde, il chope la fille. La morale gentillette qu’on avait bien comprise dès l’introduction est répétée pour être bien sûr que tout le monde suive : “Vous savez, se réfugier dans un univers virtuel pour fuir la réalité, c’est pas top”.
Bref, Ready Player One est un film très divertissant mais qui selon votre sensibilité peut devenir frustrant à cause de son écriture moyenne ou horripilant à cause de son avalanche de références pop-cultures gratuites.
Revu en 2021, -2