Dès les premiers instants, le film se dévoile. Wade – notre interface entre l’utopie virtuelle et la dure réalité – nous promène dans son quartier en hauteur, sorte de bidonville futuriste fait d'empilement de mobile-home. Pas de coupe mais un mouvement ample et précis passe devant les fenêtres des voisins, occupés chez eux à jouer derrière leurs lunettes. Et s'il y a du Hitchcock dans cette maîtrise formelle, cela s'arrête là. Parce que voilà, ici, pas de doutes pas d'hésitations mais un personnage faussement vulnérable, loin de Jeff, de sa jambe cassée et de ses troubles sentimentaux. Tout est très maîtrisé mais tout est trop fade. Et si nous aurions aimé découvrir l'intimité de James Halliday, c'est que l’actualisation du doute amoureux chez Wade paraît bien distante, comme si Spielberg avait arrêté de s’émerveiller devant la vie – aussi dure soit elle. Il paraît d'ailleurs plus fasciné par la virtualité – qu'il s'efforce visiblement de critiquer – que par l'humain – qu'il s'efforce de replacer au centre du propos et de l'image dans le dernier plan – passant à côté d'un propos sur la frustration amoureuse et sur la découverte de l'autre à l'âge de l'adolescence. Car Wade distribue les déclarations l'air de rien, comme un automate régler pour répondre à une demande. Finalement, malgré une réflexion riche sur l'importance de la réalité, Spielberg ne semble pas comprendre que la principale menace du monde virtuel est de pousser l'être humain à automatiser ses réactions et à dire ce qu 'il ne peut plus ressentir. Parce qu'ici on voit beaucoup de choses, mais on ne ressent rien.