La pop culture n'existe pas. Elle s'approprie des oeuvres, régulièrement de genre, qu'elle adule et sanctifie au point d'en faire des totems et des symboles (plus ou moins déconnectés de leur oeuvre originale), transposant des icônes de divertissement en modèle théorico-mystiques et dissertant sur les univers pour les plus nerd d'entre eux. Rien de problématique (sinon dans la rigidité du conformisme) dans la création d'une matrice cohérente (les années 80-90), jusqu'à ce qu'apparaissent la gangrène du cinéma, le cancer du divertissement : la pop culture qui rend hommage à la pop culture. Le divertissement gratuit qui tourne à vide en recyclant des icônes prises ailleurs sans faire le travail de création qui s'impose, substituant à sa personnalité celle des oeuvres qu'elle pompe. A ce jeu de la débilité, on trouve un tas de films en référence aux année 80, dont le pire exemple pourrait être Turbo Kid. Et dans ce contexte arrive Ready Player One. Merde ? Mouef...


Le scénario dans la réalité n'est pas cohérent. Le film prend un angle de dystopie à ce niveau, mais une dystopie où tout le monde a l'électricité gratuite, le logement gratuit (la notion monétaire est extrêmement floue), accès à la fibre et à l'eau. Bref, notre vie est dure parce qu'elle manque de couleur et qu'on se connecte pour fuir la réalité. Dès cette étape, on sait que le film n'aura aucun impact, tant au niveau sentimental qu'au niveau thématique (la conclusion qui parle de nourriture... en devient ironiquement drôle puisqu'on n'aura finalement vu aucune nourriture appétissante de tout le film). Mais le film propose du fun , alors voyons ce qu'il a sous le capot.


Points positifs : la bouillie numérique est bien maîtrisée (quand on lit ceux qui chient sur la bouillie des Marvel, qui eux font l'effort de créer un univers...), les régulières mêlées qui rythment les scènes d'action sont lisibles et plutôt enthousiasmantes. La contrepartie, c'est que les multiples références qui y apparaissent sont là... pour quelques secondes en moyenne avant de disparaître de l'écran. Cela ne veut pas dire qu'elles ne sont pas soignées (lors de l'apparition de mecha-godzilla, on entend par exemple le thème original de la saga Godzilla japonaise inclue dans la partition du film, ce qui montre que tout le monde a coopéré dans les références à tous les niveaux), mais qu'on n'a tout simplement pas le temps d'en profiter tellement le film doit avancer vite malgré sa redoutable durée de plus de deux heures. Deux heures de grand vide où les évènements s'enchaînent sans surprise, mais où les concepts ludiques peuvent prendre une certaine envolée.


Je tiens à revenir sur une séquence précise : le remake Genisys de Shining. Il s'agit de la seule séquence du film où j'ai vraiment pris part à la fête. Le délire a bien fonctionné, et cette séquence best of est un moment très agréable pour le cinéphile, donnant un aperçu de l'hommage que la pop-culture est capable de faire. Mais l'envers de la médaille, c'est que ce résumé... ne respecte en rien l'esprit du film original, et ne fait qu'accumuler les excès graphiques qui dénaturent ce qui faisait l'oeuvre (j'imagine l'avis de ceux qui n'auraient pas vu le film). C'est là qu'on touche aux contradictions de la pop culture dans toute leur ambivalence : elle sanctifie des oeuvres de divertissement populaire en tant que monument et les déconnecte de ce que l'oeuvre voulait atteindre ou faire. Deux icônes sont magnifiques pour illustrer le sujet : Rambo et Scarface. Les deux films ont un message profond et pessimiste sur le destin des protagonistes, les pulsions qui les animent et le système dans lequel ils se sont développés, mais la pop culture les a transformés en monstres sacrés, en icônes américaines de victoire éclatante et inconditionnelle, aux antipodes de ce que les créateurs souhaitaient synthétiser...


Ready Player One n'est pas un mauvais divertissement. Pour une anesthésie générale de 2h20, on s'ennuie relativement peu, et quelques ambiances réussies (la boîte de nuit) qui garantissent le spectacle. On note aussi que les développeurs du film ont pensé aux thématiques qui pourraient être fédératrices dans le gaming, et ont voulu remettre un peu de social au coeur du sujet, notamment en reprécisant le "bon" état d'esprit, et en favorisant l'interaction sociale quitte à arrêter le jeu. Pas de grosse critique à faire là dessus, le tout est cohérent thématiquement, même si je doute qu'un compagnon de jeu régulier puisse être en tant que tel un véritable ami IRL, l'état d'esprit du jeu prenant largement l'ascendant au cours des parties). C'est surtout les grandes failles du scénario dans la vie réelle qui posent problème (pourquoi une combinaison de gaming retranscriraient des dégâts physiques de façon réalistes ? C'est stupide de faire souffrir ses clients, là où l'usage d'un tel équipement serait essentiellement utilisé par les sites de porno (hommage à Minority report ^^). En bref, on s'amuse mais on n'en aura pas davantage.

Voracinéphile
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le 23 avr. 2018

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