À l'exclusion de quelques plans ou d'idées malignes parsemées ça et là, ce film m'a horripilé. La laideur formelle le dispute à l'obsession de la citation visuelle puérile, qui est un peu l'équivalent dans le cinéma de genre contemporain du name dropping pratiqué par les romanciers s'imaginant « modernes ». Les scènes d'action sont brouillonnes et parfois illisibles. L'univers visuel se veut rétro (en témoigne l'affiche du film), mais il est complètement kitsch. Il rend moins hommage aux jeux vidéo et à la culture geek qu'à Hugo Délire et aux publicités en images de synthèse fin 1990/début 2000 qui recyclaient l'imagerie bimbos et beaux gosses à gros flingues jusqu'à l’écœurement.
Rien n'appartient en propre à Ready Player One, et il n'y a pas davantage de liant qui donnerait aux multiples emprunts une cohérence, une direction. Le film se donne des faux airs de dystopie, mais ne va jamais assez loin pour que tout cela ressemble à autre chose qu'une fine couche de crasse sur un monde propret où l'amour triomphera toujours de la mort.
Un seul exemple. Dès la première scène, on nous montre une Amérique grisâtre dans laquelle des multinationales cupides semblent imposer leur loi. On croit alors l'État totalement disparu ou réduit à un fantoche, avant que l'intervention de la police dans l'une des dernières scènes du film résolve une situation désespérée. En fait, c'était aussi simple que cela. Il suffisait d'appeler les flics. Personne pour y penser plus tôt ? Il faut croire que les masses abruties – poncif paresseux du cinéma américain – étaient trop occupées à jouer à un mauvais jeu vidéo pour signaler la destruction de pans entiers de leur quartier et la mort de centaines de personnes...
Si l'on y regarde pas de trop près, le rouage principal de l'intrigue a le mérite de la clarté, mais cette histoire d'indices disséminés par le Père dans son œuvre n'a aucun intérêt, lorsqu'elle n'est pas franchement agaçante. Une lutte du bien contre le mal, où le bien est représenté par un gentil génie créatif et gourou geek, à l'origine de l'OASIS (un jeu vidéo en réalité virtuelle), dont l'héritage est menacé par un vilain financier en costume. Contrairement au gentil geek et à ses disciples, le financier n'a pas d'idées, sinon de mettre de la publicité dans les moindres recoins du champ de vision virtuel des joueurs de l'OASIS. On sourirait de l'ironie d'un film sans originalité et saturé de placements de produits qui fait de l'impersonnalité et du marketing débilitant les symboles du mal si tout cela n'était pas aussi sinistre. Ignorons plutôt ce manifeste du mauvais goût et laissons ses personnages revendiquer le droit de vivre, de rêver et de baiser dans la laideur.