Trop de réel tue le réel (ou au moins le film).
Attention, cette critique peut contenir des traces de spoiler (bien qu'aucun détail de l'histoire n'y soit exposé).
C'est un peu par hasard que je me suis rendu compte que le ciné VO du coin passait Real en VOST, en plein dans le printemps du cinéma qui plus est. La bande annonce visionnée en pré-séance d'un autre film dont le nom m'échappe ainsi que les notes laissées par ceux qui avaient pu voir le film avant moi m'avait fait me dire que ça pourrait être une bonne façon de finir ces trois jours de débauche cinématographique à vil prix, jusque là consacrée à des œuvres largement plus grand publique en ce qui me concerne.
La seule connaissance préalable que j'avais du réalisateur étant "ces deux films qui avaient l'air bien mais que j'ai pas pu aller voir parce que ma copine voulait pas sortir" (Shokuzai) ainsi que l'estime que semblent lui porter certains de mes éclaireurs ; c'est donc en néophyte complet que je me rendais à la séance.
Première surprise, le film s'ouvre par un docu de quelques minutes où le réalisateur nous parle de sa vision du film, en balançant au passage des GROS INDICES sur (potentiel SPOILER) le twist du film. Le docu en question nous balance aussi des tas d'images des moments clés du film à la tronche, pas le temps de cligner des yeux ou quoi, à la limite j'aurais pu rentrer chez moi à ce moment là en connaissant l'essentiel de l'histoire, dommage. Il aurait été moins indélicat de nous diffuser ce docu après le film, mais ce qui est fait est fait. Venons-en maintenant au film.
C'est donc assez méchamment spoilé que je commence le visionnage du film, mais qu'à cela ne tienne, je vais en profiter pour observer la technique de réalisation et les éléments qui ne sauraient être appréciés que lors d'un second visionnage de film à twist.
J'ai été assez déçu.
J'ai été déçu parce que la première partie du film est tout bonnement géniale, filmé à la perfection et usant de techniques de mise en scène pointues et maîtrisées, possédant une identité filmique forte et une photographie géniale, et j'aurais eu envie que ça continue tout du long comme ça.
L'histoire, mise en scène romantico-métaphysique à base de pseudo-sciences chère au japonais, est servie par des acteurs que j'ai eu l'agréable surprise de trouver convaincants (ce qui est loin d'être une généralité sur les films japonais), incarnant des personnages originaux et rapidement attachants. Les plans se succèdent et fourmillent de trouvailles visuelles, et même si la majeure partie d'entre elles avaient été spoilés par la bande annonce et le documentaire (ainsi que ma voisine de derrière qui ricanait à chaque fois, désamorçant chaque situation de tension), l'effet était tout de même présent et saisissant. Le film se permet même une critique de la société moderne (elle aussi chère au japonais) sur plusieurs niveaux, le tout amené de façon subtile et contemplative, c'est beau, on dirait du Oshii.
Et soudain le twist.
Et... plus rien.
Le film se vide de sa substance au moment où le twist se produit, les effets filmiques s'effacent devant une mise en scène bateau et insipide. Les personnages perdent de leur superbe et tout retombe dans une routine commune... Alors oui, c'est probablement voulu, pour signifier que ce qui se passe à partir de là est réel, mais c'est triste de voir la magie de l'imaginaire s'effacer devant la froideur commune du réel, ça dessert un peu le propos du film à mon goût.
Après ça le film va s'efforcer de détruire toutes les subtilités et éléments de réflexion qu'il pourrait rester dans son histoire, ce qui est plutôt étonnant dans un film japonais, en nous déroulant toutes les explications sous le nez, dans toutes les longueurs.
Et pour finir le film se perd lui-même dans sa métaphore finale, à grand renforts d'effets spéciaux et d'actions illogiques, pour déboucher sur une fin attendue qui tombe à plat.
Difficile de ne pas être déçu, d'autant plus que j'ai vraiment aimé la première partie du film, mais force est de constater que le twist nuit au film en lui le privant de son identité première sans réussir à en insuffler une seconde, il ne lui apporte rien, il ne fait qu'en retirer.
Toujours est-il que ce visionnage m'a convaincu de découvrir les autres œuvres de ce réalisateur.