Voici un enchevêtrement d’histoires bien particulier. C’est un très long travail sur lequel Quentin Dupieux c’était lancé avant le tournage de Rubber en 2010, et dont la simplification du script de départ n’a pas été chose facile. Jason, joué par Alain Chabat, est simple cadreur dans une émission culinaire grotesque, et a besoin de son ami de longue date Bob Marshall, un riche producteur, pour l’aider à réaliser son projet de film de science fiction. Jason devient alors vite pris de court par une succession de mise en abîmes qui vont l’enfermer et/ou le dédoubler entre réalité et fiction, déstructurant ainsi la linéarité du film.
En effet, si à la fin de la projection le film laisse des spectateurs hébétés, riant ou très pensifs, ce n’est pas sans raisons. Réalité est comme deux lacets dont les bouts sont présentés clairement et séparément au début du film (la réalité de Jason et le film dans lequel joue la petite fille Réality) et qui se rejoignent en s’emmêlent de plus en plus l’un autour de l’autre pour finir en un nœud de mises en abîmes comiques. Ce sont ces liens infinis et indéfinis ainsi que ces bugs du montage qui font rire. On fini par s’attendre à d’autres juxtapositions mais elles restent toujours imprévisibles et le fait même de se surprendre à trouver logique cet enchainement de situations augmente l’effet comique (le fait que le docteur boursouflé d’eczéma prenne le rôle du présentateur qui se démangeait précédemment par exemple).
Mais au delà de l’aspect loufoque de la forme, le film est touchant notamment grâce au jeu d’Alain Chabat. Ce rôle de personnage perdu et sympathique qu’il joue à merveille fait de lui un personnage très attachant. Je pense notamment à cette scène où Jason choisit d’aller dans un asile psychiatrique lorsqu’il prend conscience de l’invraisemblable réalité qu’il semble vivre. La manière dont il se présente à la réceptionniste est hilarante par son absurdité : « J’aimerais rester quelques jours, je crois que ça va pas très bien », le sourire aux lèvres tant il a conscience de l’ironie de sa situation.
On pourrait voir une critique de nombreuses choses (abrutissement causé par la télévision par le biais d’émissions chétives, en passant par le cliché du producteur riche au cigare et par celui du cinéaste poète géni) mais ici, l’absurde l’emporte. La simplicité des réactions de Jason face à ses aventures rocambolesques devient leitmotiv, comme la bande originale, et on ne s’en lasse pas. Et quoi que l’on puisse penser du film, cela fait tout de même du bien de voir du nouveau comme ça.

Antoine-Leroy
7
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le 28 nov. 2015

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