Cameraman dans une émission culinaire, Jason Tranta (Alain Chabat) aimerait passer à la vitesse supérieure, et réaliser son propre film. Il soumet l’idée à un producteur qu’il a connu (Jonathan Lambert). Ce dernier accepte le script de son film d’horreur, mais à une condition : que Jason trouve en 48h le meilleur gémissement de l’histoire du cinéma…
Si je donne un résumé du film, c’est uniquement pour mes lecteurs à l’esprit trop cartésien, car il apparaît vite que le scénario de Réalité n’a aucune importance. C’est même ce qui donne son sens à ce film paradoxal : Réalité est un film qui prend tout son sens à partir du moment où l’on comprend qu’il n’a pas de sens.
Si l’on pourrait de prime abord avoir envie de placer Réalité et son récit complètement obscur dans la lignée du cinéma lynchien à la Mulholland Drive, c’est en fait à l’exact opposé qu’il se situe. Le dernier plan du film, dans lequel le médecin parle face à la caméra (et donc au spectateur), est particulièrement parlant : il n’y rien à chercher, cette volonté de signification qui nous gratte de partout, ce sens que l’on tente vainement de donner aux images que l’on a vues, est à l’intérieur de nos têtes, et seulement à l’intérieur de nos têtes.
Dès lors, il ne reste plus qu’à goûter l’absurde et le non-sens du film de Dupieux pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils signifient (ou, en l’occurrence, ne signifient pas). Réalité est un film sans queue ni tête, et qui l’assume totalement, c’est ce qui en fait l’intérêt. Porté par un casting excellent, au sommet duquel un Alain Chabat en grande forme (mention spéciale à l'hilarant Jonathan Lambert également), Réalité ne cherche pas à nous vriller le cerveau en nous plongeant dans une intrigue tortueuse dont on passera des journées entières à comprendre les tenants et les aboutissants, il cherche simplement à nous détendre en satirisant les tendances d’une certaine forme de cinéma contemporain, qui se croit obligé de multiplier les retournements incompréhensibles et les effets narratifs abscons pour être intelligent.
En cela, le film de Quentin Dupieux accomplit parfaitement sa tâche, et c’est non sans une vraie jubilation que l’on regarde cette satire cinématographique aussi drôle que juste. Tout en gardant pour ma part en coin de cerveau une petite question qui me triture l’esprit : est-il bien moral de mettre la moyenne à un film qui se moque aussi ouvertement d’Inception ?