C'est le premier film que je vois de Matteo Garrone, réalisateur de Gomorra(Egalement Grand Prix en 2010). Reality nous conte l'histoire de ce poissonnier, à la fois candide et égocentrique, qui n'a plus qu'une idée en tête: l'équipe de Grande Fratello, émission de télé-réalité pour laquelle il a passé les castings, s'apprête à l'appeler pour lui annoncer sa participation à l'émission. Tout ça tournera bien entendu à la paranoïa, comme le laisse entendre le synopsis. L'enjeu était ici de mettre en scène, de construire une atmosphère, un monde, propice au dédoublement de réalités que suppose la paranoïa. Il y a ce que perçoit le paranoïaque, et ce que perçoit son entourage; chacun étant persuadé que l'autre se trompe. Là est le premier sujet de Reality (comme nous l'indique son titre). L'objet de la télé-réalité est certes traité, mais à travers le prisme de la réalité en général et de sa perception. Comment ce concept, hyper populaire, caractéristique de ce début de siècle, influence la perception de la réalité ? Et, avant tout: d'où nous vient ce besoin de percevoir une réalité autre?


Sur le ton de la comédie dramatique bien à l'italienne, Garrone m'a charmé de bout en bout. Même s'il y a, c'est vrai, des longueurs inutiles, j'ai été captivé. Peut-être parce que ses personnages sont, mine de rien, dès le début, captivants. Ce poissonnier qui se travestit volontiers et qui laisse son regard traîner interminablement sur Enzo, célébrité de télé-réalité justement, qui est-il? Pourquoi ce regard plein d'espoir et d'envie?


Et puis, il y a cette mise en scène. Quelles belle scène d'ouverture pour film aux accents fantastiques! Quelle belle scène de fin également! Et puis, comment mieux filmer la paranoïa d'un personnage qu'à travers de plans serrés sur le visage, avec en arrière-plan tout son monde fantasmé (ou pas), flou. On ne distingue que son visage, à la fois inquiet et fasciné. Et cette scène avec le grillon, à la fois comique et angoissante.


Non, il n'y a pas à dire, j'ai été charmé par cette comédie dramatique qui réussit à allier légèreté, atmosphère idéalement pesante, et tension; grâce à une mise en scène originale. Des longueurs, mouais, peut-être. Personnellement, tant qu'il y a de l'identité, de l'originalité et de la cohérence dans la forme, il y a de la vie. Les lenteurs n'en sont plus; ne reste que le plaisir d'avoir vu du cinéma, du vrai.

gaspard24
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Objectif: se forger une vraie culture ciné et Le cinéma, ou le meilleur moyen de s'improviser reporter de Geo Magazine sans bouger de son siège

Créée

le 27 juin 2015

Critique lue 606 fois

4 j'aime

gaspard24

Écrit par

Critique lue 606 fois

4

D'autres avis sur Reality

Reality
pphf
6

Conte de la folie ordinaire

On comprend, assez facilement, toutes les réserves, parfois très critiques, qui ont pu être manifestées à l’encontre de Reality, Une dispersion permanente, manifeste dès le départ, puisque après...

Par

le 26 août 2014

9 j'aime

4

Reality
mymp
6

Dans la maison

Ce n’est pas un film sur la télé-réalité comme il a été dit ici et là avec une hâte et une facilité plus que suspectes, mais bien un film sur LA réalité. Et ce n’est pas non plus une comédie affable...

Par

le 15 oct. 2012

6 j'aime

1

Reality
gaspard24
7

Oublions le vrai

C'est le premier film que je vois de Matteo Garrone, réalisateur de Gomorra(Egalement Grand Prix en 2010). Reality nous conte l'histoire de ce poissonnier, à la fois candide et égocentrique, qui n'a...

le 27 juin 2015

4 j'aime

Du même critique

Les Lumières de la ville
gaspard24
10

L'Amour fait cinéma

Non, non, non. Toi là! Je te vois venir, avec ton air de connaisseur, de chevronné, de celui qui n'a jamais tort, qui a la science infuse! Je te vois venir avec tes "Pour l'époque, c'est vrai que...

le 25 août 2015

12 j'aime

3

Sans adieu
gaspard24
8

Sans personne

Claudette ne supporte pas son chien qui lui colle aux pattes. « Du balai sale cabot » vocifère-t-elle d’une voix qui percerait les tympans du plus sourd des hommes. Il faut dire qu’elle se...

le 4 nov. 2017

10 j'aime

Lost in Translation
gaspard24
8

Insoutenable légèreté

S'il fallait ne retenir qu'une comédie dramatique, ce serait bien celle-là. Deuxième long-métrage de Sofia Coppola, Lost in Translation raconte l'histoire de deux Américains paumés au Japon. Bob...

le 4 avr. 2015

10 j'aime

1