Rebecca est l’adaptation du roman éponyme de Daphne du Maurier. Il s’agit de la seconde adaptation d’Alfred Hitchcock d’une œuvre de cette romancière britannique après avoir réalisé seulement un an auparavant La Taverne de la Jamaïque. Le producteur de Rebecca, David O. Selznick, força Hitchcock à une mise en scène la plus fidèle possible. Ce tour de force explique en grande partie le manque d’humour britannique qui imprègne généralement les œuvres du « maître du suspense ». Malgré cela, le film n’en reste pas moins un grand classique où le réalisateur instaure une terrible confusion des sentiments entre ses personnages, qu’ils soient vivants ou défunts.
A Monte-Carlo, un jeune veuf du nom de Maxim de Winter rencontre et séduit une jolie gouvernante. Après s‘être mariés les deux tourtereaux s’installent chez Maxim, à Manderley, le long des Cornouailles. La nouvelle maitresse du château se rend compte alors que la défunte Mme Winter, Rebecca, a profondément marqué le personnel, en particulier la ténébreuse Mme Danvers. Une intense compétition se met alors en place entre la nouvelle et l’ancienne Mme Winter dont le spectre plane toujours sur Manderley.
Le grand domaine de Manderley est un élément clef de l’ambiance instaurée par Hitchcock. Avec son style gothique menaçant et lugubre, le manoir semble émettre des ondes hostiles. Ce décor, d’aspect féérique le jour, dégage à la nuit tombée une aura malfaisante.
L’impression de fragilité dégagée par Joan Fontaine sied parfaitement au personnage. Très souvent apeurée, l’héroïne fait penser à une biche prise dans les phares d’une voiture dès lors qu’elle passe la fastueuse entrée de Manderley. L’innocence, la joie de vivre et la volonté de bien faire de l’intéressée sont rapidement mis à mal par Mme Danvers. La gouvernante, dont il s’avère par de multiples indices explicites qu’elle aimait Rebecca, apporte toute une iconographie de la tragédie. Un amour impossible, refoulé au point de ne vivre que pour lui. Un amour plus fort que la mort, entrainant la malheureuse dans un abîme de souffrance et de folie.
Rebecca marque les débuts de la période américaine du réalisateur. Récompensé par deux Oscars (meilleur film et meilleure photographie), le film bascule lors d’un twist d’anthologie pour terminer en apothéose dans un terrible flamboiement.