Toy Story s'est terminé sur une scène poignante dont tout le monde se souvient. Le dernier plan, les nuages dans le ciel reprenant la tapisserie de la chambre d'Andy qui faisait office d'ouverture au tout premier long métrage des studios Pixar, pouvait être vu comme une boucle bouclée, et la fin de quelque chose.
On s'inquiétait d'autant plus de cette fin de cycle quand la déception Cars 2 est sortie en salles. Heureusement, Rebelle est là pour redresser la barre et montrer que John Lasseter et ses comparses ont encore beaucoup de belles choses à nous raconter. Mais il est certain que quelque chose a changé du coté d'Emeryville en Californie.
En effet, le film de Mark Andrews et Brenda Chapman est une belle réussite qui nous permet de pousser un ouf de soulagement.
Pourquoi un ouf ? Parce qu'à peine remis des aventures de Flash McQueen et de ses comparses qu'on pouvait découvrir une série de bandes annonces pas forcément des plus rassurantes, insistant sur le coté humour pénible et rappelant les heures sombres des productions Dreamworks.
Mais le film que vous verrez en salles en août prochain n'a rien à voir avec ce qui est vendu. Pixar a en effet pris le soin de bien planquer un élément essentiel à l'intrigue, un pan entier de l'histoire qui n'est montré absolument nulle part et qu'on va tenter de ne pas spoiler pour que vous puissiez garder la surprise jusqu'au bout.
Rebelle (ou Brave, puisque le titre original est sans doute plus approprié au personnage) est un vrai conte de fées comme Disney en fait depuis des décennies pour le plus grand bonheur des petites filles. On découvre donc Mérida, princesse écossaise que ses parents veulent voir mariée à un chef de clan, selon la tradition. Comme on a pu le voir dans la promo, elle préfère largement chevaucher les vertes plaines de son pays et tirer à l'arc que de se retrouver coincée dans une robe à devoir choisir un mari. La jeune fille rousse pourrait effectivement être qualifiée de rebelle par rapport à son époque. C'est en réalité juste une jeune fille moderne qui a envie d'autre chose que ce qu'on lui impose.
Tout comme le film est un conte de fées modernisé à la sauce du studio à la lampe.
On y retrouve plein d'éléments très « pixariens », à commencer par l'utilisation du muet via les triplées, trois petits personnages aux interventions hilarantes venant très souvent interrompre le récit par un gag bien senti. Et d'une manière plus générale, le film évoque surtout des valeurs familiales autour de son histoire. Si les contes de fées sont souvent des histoires d'amour entre une jeune fille et son preux chevalier, c'est bien dans sa famille que Mérida trouvera son bien être. Pas de vilaine de marâtre ou d'histoire d'orphelins ni d'ailleurs de beaux princes puisque les trois prétendants sont tous des bras cassés, mais un père et une mère à la manière des Indestructibles ou de la relation père-fils mise en avant dans Le Monde de Nemo.
Comme par le passé, Pixar met avec Rebelle une belle claque à ses concurrents. Certes, la plupart des humains -et les hommes en particuliers- sont des caricatures grossières destinées à faire rire la galerie même physiquement mais les personnages sont soignés et les deux réalisateurs successifs ont pris un plaisir manifeste à montrer l'Ecosse à l'écran. Images sublimes de décors irréguliers, chaotiques, comme l'est réellement ce pays de forêt et de collines. Le chaos, on le retrouve jusque dans la chevelure de l'héroïne, ce qui nous permet de voir que chez Pixar on est capable de faire autre chose que des personnages parfaitement symétriques.
On se laisse porter autant par l'ambiance globale écossaise que par la beauté des visuels, en oubliant très régulièrement que ce qu'on voit est un film d'animation. Et tout cela est sublimé par le très bon travail de Patrick Doyle à la bande originale, qui parvient même -pour la région et l'époque- à faire oublier les compositions de James Horner pour Braveheart de Mel Gibson.
On pourra néanmoins reprocher à Rebelle de lorgner un peu vers les contes de fées existants. On pense à quelques unes des productions Disney de temps en temps (on évitera de les citer pour ne pas spoiler des éléments de l'intrigue) mais aussi à Raiponce pour la modernité.
Contrairement à ce qu'a déclaré John Lasseter lors de la conférence de presse qu'il a tenu à Edimbourg, le film n'est donc pas 100% Pixar. Le développement du film a pris six années au total, mais s'est terminé avec quelques difficultés puisque Brenda Chapman a été remplacée par Mark Andrews fin 2010, que Pixar a été racheté par Disney en cours de route et parce que Steve Jobs, qui était nettement plus qu'un financier pour le studio mais bien un mentor, a disparu.
Rebelle est donc sans doute le premier long de la firme à la lampe où l'on ressent la proximité avec Disney. Mais à la limite, peu importe, surtout quand on voit que du coté du studio aux grandes oreilles on est encore capable de produire quelque chose d'aussi réussi que Raiponce. On se permet alors de passer sur cette impression légère de déjà-vu, emporté de toutes façons par les qualités visuelles du film.
Il y a eu des changements chez Pixar et en ça Toy Story 3 a bien marqué la fin d'un cycle. Mais Rebelle prouve, grâce à son héroïne, grâce à ses scènes de bravoure, grâce à sa sublime animation et à son ambiance typiquement écossaise que ce deuxième cycle qui commence s'annonce follement intéressant.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Films vus en 2012