Alors qu’on a coutume de voir dans Le Projet Blair Witch la naissance du found footage dans le long métrage grand public, l’expérience espagnole conduite huit ans plus tard avec REC en propose une nouvelle variation qui enrichit substantiellement le dispositif. Dans Blair Witch, l’idée maîtresse consistait à limiter la vue à une menace hors-champ, et faire fonctionner à plein régime l’imaginaire du spectateur. Ici, le projet se distingue. Certes, la contrainte budgétaire démultiplie de la même manière l’inventivité des créateurs : on saluera l’atmosphère resserrée sur un immeuble confiné, et la manière dont on parvient à rendre crédible la menace à la dimension de tout un quartier, une simple bâche de plastique ou un bruitage d’hélicoptère permettant de poser une ambiance. Mais la structure maîtresse du reportage change la donne, par le désir putassier de sensationnel de la journaliste, et le terrain relativement balisé dans laquelle on la balance avec son cameraman, à savoir un début d’épidémie zombie, même si, comme toujours, aucun des figurants à compter au futur rang des contaminés ne semble familier du concept.
Le début prend donc soin d’ancrer dans un semblant de réalisme le binôme : essais à l’écran, rembobinage, ennui face à l’inactivité des pompiers, avant que l’entrée dans le bâtiment ne lance réellement les hostilités. Si le concept reste évidemment fortement attendu (nombre croissant de victimes, rétrécissement de l’espace, jump scares en pagaille…) la contrainte est réellement génératrice de plaisir. La première apparition d’un phénomène se déroule ainsi dans un arrière-plan mal mis au point, qui pose la caméra comme une voyeuse non désirée, et accroît fortement l’étrangeté incongrue de cette personnage âgée dans un état plus que douteux. Ce point de départ conditionne la dynamique de l’horreur, qui ira certes croissant (proximité des prédateurs, courses folles et absence de lumière), mais n’oubliera jamais d’encrasser l’esthétique pour lui conférer un grain au charme indéniable. Il faudra s’accrocher à son siège pour supporter les mouvements d’appareil (après tout, il s’agit d’accepter l’idée improbable selon laquelle, même en courant pour sa vie, le cameraman continue de filmer) sans nausée, mais l’absence de musique, le chaos amateuriste et la désorganisation infuse une panique qui donne au film tout ce qui manque généralement à ce type de production. On passera sur la tentative assez laborieuse d’explication de ce qui aurait pu se borner à un prétexte, convoquant coupures de presse, enregistrement audio et journal intime pour une histoire inintéressante d’exorcisme, pour jubiler méchamment d’un dénouement prévisible, mais à en cohérence avec cette mécanique vicieusement grippée et diablement efficace.