2006. Un teaser affole le web qui crée le buzz autour de cette vidéo dans laquelle l'on voit en caméra infrarouge des spectateurs espagnols sursauter et hurler dans une salle de cinéma face à ce qui s'annonce comme étant un chouette film d'horreur. Quelques mois plus tard, le succès est là et [Rec] séduit autant les spectateurs que les critiques avec sa mise en scène ultra immersive, plongeant le public dans un cauchemar à l'efficacité n'ayant d'égal que l'intelligence de mise en scène. Jaume Balagueró & Paco Plaza sont propulsés sur le devant de la scène et le succès est tel que les américains, ce peuple ne sachant pas lire des sous titres, orchestre à la vitesse de la lumière un remake copié/collé : En Quarantaine. Avec un tel succès, il était difficile de croire qu'on allait plus entendre parler des deux petits génies à l'origine de ce très sympathique premier film et non content de les revoir derrière la caméra, ils reviennent carrément avec un [Rec]² ! Les réalisateurs ont même eu la gentillesse de présenter un mois en avance le film à Paris la semaine dernière, invitant une salle pleine à craquer à réagir vivement au film, en applaudissant, criant, riant, etc...
Les lumières se ferment et c'est reparti pour un tour dans l'immeuble glauque...
Le problème avec un tel film, avant même que celui ci commence, est de succéder à son prédécesseur en gardant toute l'intelligence et la malice qui le caractérisait. De l'aveu des réalisateurs, le but du premier épisode était avant tout de construire le cauchemar le plus crédible possible, ce que le film avait réussi à faire en réussissant là où bien d'autres tels que Cloverfield avaient échoués : surpasser fondamentalement les problèmes de la caméra portée et notamment le paradoxe de l'homme qui filme tout en se faisant attaquer ou qui pose son objectif là où il faut au bon moment alors qu'il découvre la scène en même temps que le spectateur, ne sachant pas ce qui va arriver. En posant comme postulat de base une équipe de journalisme déterminée à faire un reportage immersif et donc un caméraman prenant tout ce qu'il peut filmer pour garder un témoignage des évènements vécus (surtout qu'ici la situation tournait au vinaigre de manière assez impressionnante), les deux réalisateurs avaient réussi le tour de force de donner de la crédibilité à une situation somme toute délirante, et à emmener le spectateur avec eux dans un grand huit brutal et fort réjouissant. Par la même occasion, ils mettaient en pratique une mise en scène originale et atypique, leur permettant de contourner quelques peu les codes du genre même si il faut bien admettre que les pics horrifiques étaient tout de même très classique (le coup de la caméra faisant un 360° dans la trappe, qui ne l'a pas vu venir?). Bref, quand un tel film exploitait son concept à 200% et utilisait à merveille le principe de la cassette retrouvée, comment enclencher un deuxième opus fonctionnant aussi bien et étant aussi malin?
Le film démarre et le nouveau postulat de départ étonne : on va suivre une escouade d'élite prête à rentrer dans l'immeuble pour découvrir ce que sont devenus les éventuels rescapés et défourailler le restant d'enragés désireux de bouffer tout ce qui bouge. Et évidemment...l'un d'eux filme. Si le principe est tout de suite plus poussif que le premier, il est cependant contre balancé par le fait que chaque membre de l'équipe possède une petite caméra sur son casque, ce qui permettra durant le film d'afficher lors de quelques scènes le point de vue précis d'un des membres lorsqu'il est envoyé en repérage... Le duo cherche ainsi à multiplier les points de vues pour complexifier son récit, ce qui n'est pas une mauvaise idée à la base même si il faut admettre que là encore le problème est de tenir la longueur du point de vue de la justification ce qui semble être le cas. Les 4 hommes rentrent alors dans l'immeuble en compagnie d'un guide plus ou moins mystérieux dont les objectifs ne semblent pas très clairs et durant les 25 prochaines minutes (la première demi heure quoi), le film tient bien la cadence. Si la surprise est évidemment retombée et qu'on sait pertinemment que nos 5 bonshommes vont faire quelques rencontres tourmentées, l'ensemble a le mérite de surprendre sur quelques points (ils montent direct au fameux dernier étage...) et de se révéler muscler, le film prenant alors durant cette première partie le parti d'être bourrin et d'être au premier film ce que le Aliens de Cameron était au 8ème passager de Ridley Scott, à savoir une suite gonflée à la testostérone et à l'adrénaline. Très vite donc, ça arrive dans tous les sens, ça flingue généreusement et on assiste même à une embuscade pour le moins cocasse et efficace, le métrage se révélant assez fun durant cette demi heure. Oui mais voilà. A force de vouloir tout péter vite fait bien fait, les policiers pètent leur caméra en passant, détruisant le cœur de leur dispositif filmique au bout de ses 30 premières minutes encourageantes. Et vu qu'il reste encore une heure de film, il faut bien trouver une autre caméra donc un autre point de vue. Et comme on dit... Là, c'est le drame.
Les deux réalisateurs avaient ils vraiment envie de faire cette suite ou était-ce par obligation? C'est la question qu'on est en droit de se poser quand on découvre les prochains protagonistes que nous allons suivre dans cette histoire infernale : trois couillons adolescents. Ne faites pas les surpris, si vous avez vu la bande annonce vous le saviez et la magnifique affiche (hum) mettait déjà bien la puce à l'oreille. Vous allez donc suivre 3 adolescents au QI véritablement aussi poussé que celui de votre poisson rouge (et encore), qui vont s'incruster dans un immeuble mis sous quarantaine et surveillé par toutes les forces de l'état en passant par... une bouche d'égout. Il faut dire que c'est tellement cool, d'aller vagabonder dans un immeuble entouré de flics, pompiers et autre... A vous donc de suivre des têtards débiles s'en sortant tant bien que mal et qui préféreront continuer de filmer leur pote en train de se faire dézinguer la tronche et tendre un flingue à leur ami pour que celui çi se charge du problème plutôt que utiliser le flingue eux mêmes! Vous l'avez compris, une fois cette première demi heure passée et le changement de cadreur effectué, [Rec]² sombre dans la connerie grotesque et flingue toute crédibilité, enchaînant alors un ensemble de scènes toutes plus débiles les unes que les autres, la stupidité des personnages n'ayant d'égal que la faculté du scénario à méticuleusement piétiner tout ce qui faisait la qualité du premier épisode. Car si cette suite flingue dans les grandes largeurs le réalisme de l'ensemble et ne laisse finalement plus aucune chance d'y croire ne serait ce qu'une seconde dans sa seconde puis dernière partie, elle va consciencieusement désamorcer l'autre point fort du précédent : le mystère. Si [Rec] était aussi terrifiant notamment dans son dernier quart d'heure, c'est parce qu'il avait l'intelligence de laisser planer le mystère. L'utilisation de la caméra infra rouge diminuait le champ de vision, le dernier étage était extrêmement glauque et laissait entrevoir d'horribles secrets et surtout, parce qu'on en savait peu et que le monstre final était seulement très vite aperçu, l'ensemble était très malsain et d'autant plus terrifiant que non identifiable car comme on dit, l'inconnu inspire la peur. C'est donc pour approuver cette démonstration que [Rec]² a décidé de faire carrément l'inverse. Ainsi, TOUT ce qui était laissé en suspend dans le premier opus est explicité ici, laissant place à une histoire fantastique empruntant tellement à l'Exorciste de Friedkin qu'on y voit même des gamins marcher au plafond et balancer des saloperies avec une voix d'adulte. Pour l'originalité, on repassera, notamment quand en plus on doit se taper un prêtre ridicule prétextant être en mission pour Dieu et indiquant toutes les 5 minutes à la caméra de bien tout filmer, histoire de donner un reste de légitimité à l'ensemble. Surtout, le monstre final totalement difforme et seulement aperçu dans le premier (l'horreur était suggérée laissant l'imagination faire le reste) n'aura plus aucun secret pour vous puisque vous aurez la chance de le voir en face caméra et même d'observer sa chevelure de rêve ou son regard flamboyant en gros plan, la bête venant faire coucou à la caméra, avant de laisser place à un climax que l'on voyait arriver à 3 kilomètres et qui se révèle rigolo à défaut de terrifiant. Ce qui est bien le problème...
Ainsi, [Rec]² échoue sur toute la ligne. Malgré une utilisation de la caméra toujours aussi ingénieuse, le film montre les limites de sa forme en se révélant totalement con sur le fond et en essayant tant bien que mal de justifier le fait qu'un débile filme tout ce qui se passe, sauf qu'utiliser un mongol répétant toutes les 5 minutes qu'il faut absolument tout filmer tue le concept même. Même si le film se révèle ambitieux en apportant de nouvelles choses telles que la multiplication des points de vue, le scénario over bordélique annule tout effet en le rendant caduque et se charge surtout d'approfondir l'histoire avec la finesse d'un bulldozer en explicitant tout de façon ultra cliché. Devant une telle débandade, on en vient à tirer comme conclusion que les deux réalisateurs n'avaient pas tellement envie de faire le film qui se révèle par moment efficace sur la forme mais finalement totalement vain et quand on sait qu'un troisième épisode est déjà prévu, on se trouve de nouveau face à la bonne surprise devenue par la suite une franchise machine à fric détruisant tout intérêt, ce qu'on avait déjà vu ces derniers années au cinéma (qui a dit Saw?). Dans tous les cas, que tout ceux qui souhaitait voir avec [Rec]² un film d'horreur réellement flippant et viscéral ne s'attendent pas à des miracles, le film reflétant parfaitement l'état actuel d'un genre qui a petite mine car nous avons une fois de plus l'exemple d'une phrase qu'on a tendance à souvent retrouver ces temps ci au cinéma : A trop vouloir en faire, on fini souvent par faire n'importe quoi. Et une franchise de niquée, une de plus!