Avant la sortie attendue le mois prochain de la Palme d’or Anora, je voulais voir le film précédent de Sean Baker, celui d’après la grande révélation floridienne. Tourné sous la chaleur écrasante et sèche du Texas, Red Rocket débute avec le retour au bercail de Mickey, pornstar en bout de course et quasi-clochard, contraint de demander l’asile chez son ex-femme Lexi, elle-même ancienne actrice X, et sa belle-mère Lil.

Je crois que ce qui m’a le plus fasciné dans ce film, c’est vraiment toute la mise en scène autour du héros et la manière dont Sean Baker arrive à modeler son acteur, Simon Rex, à jouer avec son corps, son visage, sa voix, son phrasé et son incroyable énergie pour nous faire ressentir tout un tas d’émotion. Parce qu’au début, on se prend un peu d’affection et de pitié pour ce looser maladroit, gouailleur, au charisme un peu beauf et sympathique que tous les employeurs de la ville rejettent pour son passé. Alors il se met à vendre un peu de weed pour le compte de la dealeuse local Léondria, tond la pelouse, et arrive au bout d’un certain à payer le loyer et à se faire accepter chez ses deux feignasses de logeuse… On se dit qu’on a alors à faire au film de rédemption classique avec un looser magnifique qui remonte la pente lentement mais sûrement… même si l’on sent monter quelque chose dans le feu de son regard, dans sa malice grandiloquente et la façon dont il prend la mesure de son environnement. Et justement tout bascule avec la rencontre avec Riley, jeune vendeuse de Donuts à peine sortie de l’adolescence, à peine majeure, mais tout de suite associé à la gourmandise, à la sucrerie prête à se faire dévorer. Elle provoque alors le passage du malicieux en sournois, du roi de la baise en pervers, du lubrique rigolard en libidineux malsain. Riley devient en effet l’obsession de Mickey en qui il voit son billet retour pour Los Angeles, de la chaire fraîche pour sa future carrière de proxénète.

Comme pour Florida Project, la direction est impeccable. Tous les rôles sont des trouvailles incroyables et j’aime comment Baker les caractérise, hauts en couleurs, des perchés, des paumés, mais qui sont tous investis d’une certaine fierté, d’une faroucherie débrouillarde et indocile envers l’autorité et l’administration. La réalisation ne les prend jamais de haut malgré les références à Donald Trump dans un Texas qui n’est pas celui des cartes postales : pas de cow-boy, de chapeaux, de rodéo, de fusillades, mais un vrai Texas de prolo avec ses raffineurs, ses chômeurs, ses bagnoles, et sa ségrégation sociale. La performance tout en tension et en nervosité de Simon Rex est juste incroyable. Tout à la fois minable, dérangeant, drôle, séducteur, macho, arrogant, et manipulateur, il est toujours filmé en mouvement, les bras nus, le regard à la fois perçant et fuyant, insaisissable et bavard comme le sont les grands diables distillant leur venin. Autant le dire, Mickey est une vraie merde humaine, mais un démon aussi méchant que con, et le film garde juste ce qu’il faut de décalage pour garder le ton d’une comédie corrosive à souhait.

cortoulysse
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le 15 sept. 2024

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