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Bonnard. Pierre et Marthe ne m’a pas seulement agacé parce qu’il souffre de tous les maux dont souffrent quasiment tous les biopics. On est finalement habitué à ce genre de petite routine du scénario en trois temps qui s’étale sur toute une vie avec une phase ascendante (rencontre, bonheur, création, succès), une phase descendante (obstacle, doute, crise, tromperie, séparation, dépression, deuil), automatiquement suivi d’une phase de « rédemption » (prise de conscience, régénérescence du corps, réconciliation). On peut même y trouver même un certain confort, à défaut d’originalité esthétique, quand le tout est plutôt bien ficelé, que l’on peut se dire, au minimum du minimum, que tout cela a pu un jour se passer. Et c’est là où on arrive au nœud du problème dans Bonnard. P & M : qu’est-ce qui existe dans ce film ?


Signe qui ne trompe pas, je n’ai pas été capable de retenir le nom du réalisateur, et quoi à bon vouloir le citer quand on nous propose une mise en scène aussi plate et rigide, à peine au niveau d’un bon téléfilm. Il n’y a concrètement aucune bonne idée, mais plutôt un recyclage de celles maintes fois éculées dans d’autres films, d’autres biopics. Le film baigne dans une espèce de lumière totalement générique et exceptées les scènes se déroulant à la maison de campagne, tous les autres décors sont pauvres, sans âme, seulement reconstitutif. Mention spéciale à la « projection numérique » du Paris du XIXe au coucher de soleil quand Bonnard part en train pour Rome avec sa maîtresse Renée et dont mes yeux saignent toujours.

Le film se croit vaguement original en choisissant de raconter une histoire à deux, dans une vaine tentative de considérer d’égal à égal le peintre et son modèle, mais en ne la considérant jamais comme tel. Jamais la mise en scène n’essayer de se mettre au service de la peinture et du peintre, de ce que Bonnard projetait sur Marthe, ce qu’il a vu dans son corps, dans ses gestes, dans ses mouvements, alors que tout ça est justement très bien documenté. En voulant à tout prix en faire une sorte d’équivalent au peintre, le film passe totalement à côté de la peinture, alors que c’est en tant que modèle que la relation aurait été plus intéressante à ausculter, qu’un trouble aurait pu se créer entre ce que la muse veut bien donner et ce que le peintre arrive à capter. Mais non, évitons la peinture, et concentrons sur ce qui semble le plus important dans ce film : le drama autour des liaisons adultères de ce coureur de Pierre Bonnard.


Le film est également médiocre parce qu’il se sent obligé de souligner par le dialogue tout ce qui était déjà suggéré par la caméra. Ah bon, comme si on n’avait pas compris dès le départ que Pierre était volage ? Mais non, on nous fait passer le message 2, 3, 4 fois, histoire qu’on imprime bien que, décidément, ces impressionnistes étaient tous des cons, des salauds avec leurs amantes et leurs épouses. Au bout du compte, les femmes n’existent pas dans d’autres rôles que ceux de la séductrice, l’amoureuse bafouée ou de l’épouse castratrice qui se transforme en mondaine hystérique à chaque crise de jalousie. Le meilleur exemple est la scène de l’esclandre entre Marthe et la maîtresse de Pierre, Misia, au moment du déjeuner au bord de la rivière. Le moment est totalement ridicule et les dialogues particulièrement ridicules, versant carrément dans le mauvais vaudeville.


Alors que le casting est a priori gage de qualité, la direction d'acteur est catastrophique. Je regrette maintenant de me sentir obligé de voir tous les films avec Vincent Macaigne depuis Deux automnes, Trois hivers tellement il m’a paru falot, éteint, sans aucun intérêt. Mais ce que je supporte le moins, c’est de voir des acteurs qui font les acteurs, avec leurs petites mimiques d’acteurs qui nous font sortir de toutes les scènes. Dans ce film, je ne vois jamais Marthe Bonnard, mais surtout Cécile de France dérouler son petit cirque de la fille du peuple à la gouaille caricaturale, et celui, plus tard, de la « transe » artistique quand, au beau milieu de sa dépression, Marthe se découvre un don pour la peinture avec les cernes et le teint cadavérique de circonstances. Je n’ose ici même pas évoquer la prestation d’Anouk Gringberg qui est malaisante tout au long du film.


Pour finir, le monde et l’effervescence artistique dans lequel vit Bonnard n’existe absolument pas. On voit seulement des types déguisés et nous dit que c’est eux les Nabis, c’est Monnet, c’est ceci, c’est cela, sans jamais n’avoir aucune consistance autre que purement informative et pédagogique. Parce que c’est ça qu’on nous sert généralement dans un biopic au final, c’est qu’il nous donne des informations, qu’il embrasse large, le temps long, toute l’époque et qu’on y case des noms, des faits, des choses comme on pourrait les caser dans une bonne dissertation. Alors on se déguise, on se maquille de fausses rides, on se colle des postiches, des faux cheveux, et on se met à plier les genoux et marcher à petits pas pour bien montrer au spectateur qu’on a récité sa leçon jusqu’au bout, jusqu’au dernier souffle.

cortoulysse
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le 14 oct. 2024

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