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Dans le feu de l'action, le film avait eu au moins le mérite de nous immerger dans l’énergie d’une salle et d’une cuisine tout laissant judicieusement dans l'ombre l'envers des fourneaux. Mais c’était sans compter sur la série, cet objet autrefois télévisuel qui s’attelle sans pudeur à garnir les trous pour satisfaire l’évidence du scénario.


S’étalant en quatre épisodes, la saison a cette fois-ci tout le loisir de développer le fameux arc narratif de plusieurs membres de la brigade, chacun charriant son lot de démons et de pathos assez lourds à la longue, surtout quand la mise en scène vous indique tout droit ce qu’il faut voir et penser comme une main qui n'arrêterait pas de vous taper sur l'épaule : « eh t’as vu les cicatrices sur ses jambes et ses bras ? », « t’as vu qu’il mangeait dans les réserves, et lui comment il a besoin de ce travail pour nourrir ses deux jumeaux ? », « eh oh, regarde aussi comment ça lui pose un problème de prendre une bouteille d’alcool, t’as capté ? ». Mais ça, on le répète bien sûr 2 voir 3 fois pour que ce que l’on imagine soit verbalisé ou réalisé cinq ou dix minutes après. J’ai l’impression de répéter en boucle les mêmes choses quasiment à chaque série où tout est vu des kilomètres à la ronde, où l’on est littéralement pris pour un con.


Comme dans The Bear, la cuisine et son environnement propice à la montée en tension est transformée en véritable exutoire cathartique où tout le monde y va de son pétage de plomb perso. Alors ok, les relations dans une brigade peuvent être tendues, mais là franchement qui veut bosser dans un restaurant avec une ambiance aussi peu professionnelle, où tout le monde se chiffonne et se casse au moindre accroc ? Je sais pas, il y a peut-être une autre manière de composer une histoire autrement qu’avec des insultes, des engueulades et des bouteilles de sauce dans la gueule, non ? Il n’y a jamais aucune subtilité, tout nous est envoyé dans la tronche d’un bloc avec cet effet caméra qui « tremble », privilégié pour son rendu apparemment plus immersif et électrique, mais qui n’apporte finalement aucune plus-value esthétique à l’exigence, l’attention et l’organisation que demande le travail dans une cuisine de ce niveau. De la même manière qu’un commissariat ou qu’un hôpital, le restaurant n’est finalement qu’un dispositif favorisant la friction des corps et des émotions à un haut niveau d’intensité à l’heure où la gastronomie est à la mode.


Pourtant, la série comporte des qualités évidentes dans sa construction en filmant sur un pied d’égalité l’intégralité du personnel par la désacralisation de la figure du chef (qui n’est pas perçu comme une sorte de génie) et en accordant une importance sincère aux habituels sans-grades de la cuisine, comme les serveurs et les plongeurs. Comme dans le film, ils existent tous sans qu’on ait forcément besoin de connaître leur vie à l’extérieur. De plus, la réalisation est attentive à des petits détails réalistes (l’approvisionnement, la manière de tenir les plats, etc.) et la caméra, qui ne s’attarde jamais sur les plats, ne transforme pas la série en foodporn. Bref, autant de qualités qui sont broyées par la mécanique sérielle, le « divertissement » bruyant écrasant l’exigence de son réalisme social au mépris du temps et du silence.

cortoulysse
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le 27 nov. 2024

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