Red State
6.1
Red State

Film de Kevin Smith (2011)

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Le calme d'une petite ville des Etats-Unis est perturbée par une série d'assassinats homophobes et les manifestations de protestants intégristes lors des funérailles de ces derniers. Une de ces manifs a pour témoin Travis, un jeune lycéen, lequel a pour projet le soir même de perdre son pucelage en compagnie de deux de ses meilleurs potes. Tous trois se rendent donc en pleine nuit à un rencart avec une femme mûre rencontrée sur internet et vivant dans une roulotte perdue au milieu de nulle-part, non loin cependant du QG de la secte homophobe. Mais en chemin leur voiture érafle l'aile d'une voiture garée sur le bas-côté et appartenant au shérif du coin, alors occupé à une fellation avec un autre homme. Les trois garçons ne s'attardent évidemment pas et continuent malgré tout leur route vers le lieu de leur rendez-vous. Là, la femme qu'ils y rencontrent leur fait boire quantité de bières avant d'accepter de coucher avec eux. Mais les trois jeunes garçons perdent subitement connaissance...


(Auto)produit pour une petite poignée de millions de dollars, Red State est de ces films qui provoquèrent la vindicte de toute une frange de spectateurs à sa sortie. Mis à l'index comme un véritable pamphlet anti-religieux, ce dixième long-métrage du plus geek des réalisateurs lui valu en 2011 pas mal d'insultes de toutes sortes et quelques menaces de morts, notamment de la part d'une véritable congrégation homophobe (dirigée par le révérend Phelps) qui servit par ailleurs de modèle à celle fictive de Abin Cooper. Mais ce n'est pas comme si Smith, par ailleurs fervent chrétien, n'y était pas habitué, lui qui reçut pas moins de quatre charmantes menaces du même genre à la sortie de sa comédie satirique Dogma.


Pour son premier film "sérieux" à forte connotation horrifique, Smith cherche avant tout à dénoncer les dérives de sectes religieuses américaines qui sous couvert de certaines paroles bibliques (notamment celles de l'Ancien Testament) ne cessent d'encourager la haine de son prochain, l'intolérance et l'homophobie. Un sous-texte corrosif et loin d'être facile à appréhender (surtout aux Etats-Unis), d'autant que Smith se refuse ici à toute forme de manichéisme. S'il fait évidemment des membres de la congrégation de Abin Cooper les véritables "méchants" de l'histoire, il ne va pas non plus jusqu'à glorifier les autorités américaines lesquelles en prennent vraiment pour leur grade quand elles décident d'effacer leurs bavures en choisissant de liquider purement et simplement tous les témoins potentiels, membres de la secte, femmes, enfants et otages compris. Un rebondissement qui pourrait évidemment paraître invraisemblable si Smith ne révélait in fine une approche hautement retorse de son intrigue, en appelant à priori le spectateur à se référer aux forces de l'ordre avant de critiquer sévèrement l'attitude de celles-ci lors d'un assaut "sans témoins", dénuée de toute couverture médiatique. En résulte cette très longue fusillade, une séquence d'assaut repoussée au plus tard possible et dont la violence et le réalisme se voient accentués par des parti-pris formels audacieux (absence totale de musique off, mouvements en caméra portée renforçant l'immersion) qui révèlent finalement chez ce réalisateur de comédies triviales des qualités insoupçonnées dans la mise en scène de l'action pure et dure.


Mais si Red State marque durablement son spectateur c'est moins pour sa violence et l'ambivalence de ses personnages, que pour ses brutales ruptures de tons, Smith prenant continuellement le contre-pied des attentes du spectateur au fil d'une construction narrative totalement imprévisible. Chaque acte adopte ainsi le point de vue de nouveaux personnages et révèle de la sorte progressivement un casting solide (Melissa Leo, Kyle Gallner, Kevin Pollack), dominé de la tête et du flingue par un John Goodman décidément de plus en plus rare à l'écran ET un Michael Parks absolument mémorable dans le rôle de Abin Cooper, révérend et patriarche faussement affable, dont le long sermon en milieu de métrage prouve une fois de plus, pour qui en douterait, que l'interprète de l'inénarrable Earl McGraw est décidément aussi génial que méconnu.


Alors certes, le film n'est pas dénué de défauts et certains pourront trouver la critique un peu trop facile. Il n'en reste pas moins que Red State est de ces oeuvres polémiques dont la subversion du discours cache une approche hautement originale de son sujet. Car cet impitoyable jeu de massacres ne cesse finalement de faire basculer le point de vue de son spectateur durant plus d'une heure et demi, et ce, avec une ironie confinant finalement à l'absurde.


Ce n'est donc pas pour rien si le trublion Kevin Smith a choisi de porter son métrage a bout de bras, assurant lui-même en 2011 sa promotion et sa distribution à travers tous les Etats-Unis. Une telle intégrité artistique est si rare qu'elle mérite bien que l'on s'attarde un temps sur l'objet du délit.

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le 15 janv. 2016

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Buddy_Noone

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