J'aime pas les bases militaires.
J'aime pas les bases militaires (1).
J'aime pas Marlon Brando (2).
J'aime pas Robert Forster (3)
J'aime pas Liz Taylor (4).
J'aime pas les chevaux (5).
J'aime pas John Huston (6).
J'aime pas le film (7).
(1) J'aime pas les bases militaires
D'abord dans une base militaire on s'emmerde. Ici il y a une grande forêt, des baraquements, des maisons de campagne, des militaires plus ou moins gradés, des épouses (acariâtres), des bleus, une écurie, des chevaux...
Pour passer le temps on joue aux cartes, on y organise des mondanités la nuit tombée où l'on retrouve les sempiternelles tronches insupportables de la journée, on boit de l'alcool, on donne des cours sur l'art d'être un bon militaire, on rejoue aux cartes, on trompe sa femme, sa femme nous trompe, et ça tourne en boucle, jusque ça que ça finisse par exploser (ou pas).
Une espèce de mare stagnante où prolifèrent les bactéries du non-dit, des faux-semblants, où le monde s'épie, se méprise, s'étouffe, voire se tue dans un feu d'artifice consanguin.
Et puis il y a Marlon qui ne rate jamais l'occasion de se ridiculiser.
(2) J'aime pas Marlon Brando
J'ai un rapport très particulier avec Brando. Tout petit, mon père était assez fou pour me montrer Apocalypse Now. Je n'avais pas été spécialement choqué, j'avais juste été exaspéré par le gros chauve à la fin du film qui faisait le malin à parler à deux à l'heure et à se comporter comme un trisomique sous tranquillisant.
Quelques années plus tard, j'ai compris que c'était "la méthode" qui voulait ça. Que Brando en génie ultime de l'art de la comédie, réinventait en permanence le jeu d'acteur, quitte à faire tout et n'importe quoi et à pourrir la vie des réalisateurs qui le dirigeaient. Bref un grand malade bigger than life en totale roues libres.
Après je l'ai découvert en Version Originale Sous-Titrée. Et là je me suis rendu compte que le gros souci c'est qu'on ne comprenait rien de ce qu'il racontait. Le type avec son physique massif, avait la voix de daffy duck. D'ailleurs, sur le tournage de "Blanches colombes et vilains messieurs", le courant ne passait tellement pas entre Brando et Sinatra, que ce dernier avait fini par le surnommer "le marmonneux" ("Mr Mumbles") tout au long du tournage. On pourrait difficilement lui donner tort...
Et puis il y a "Missouri Breaks", où Marlon est en déliquescence totale, gras, purulent, épais, mou, étrangement efféminé, et qui pourtant joue le rôle improbable d'un chasseur de primes sans pitié prenant en chasse Jack Nicholson... Cette vision d'horreur avait fini par me dégoûter définitivement du bonhomme.
Mais comme tous les "génies" (bonjour Daniel Day Lewis), ils peuvent être aussi exaspérants qu'indispensables, et dévorent tous les autres par leur simple présence (Nicholson ayant même eu l'air d'un enfant inoffensif à côté, dans Missouri Breaks), et on s'ennuie cruellement quand ils ne sont plus dans le plan.
Et là encore une fois, c'est un festival, Brando joue absolument n'importe comment (et bien quelque part), à base de levées de sourcils hyper calculés, de bouche pâteuse, de moue boudeuse (on a même l'impression qu'il a déjà mis du coton dans ses bajoues avant son essai transformé dans "le parrain"). Un rôle assez étonnant de type pathétique, à la ramasse complète, ridicule, presque castré, incapable de monter à cheval, frustré, humilié...
Tout y passe, Brando fait horriblement de la peine.
Liz Taylor lui en fait voir de toutes les couleurs, et il n'en a rien à foutre, parce que tout ce qui l'intéresse (sans jamais le dire ouvertement), c'est le jeune soldat qui court à poils dans la forêt pour être en communion avec la nature, interprété par... Robert Forster.
(3) J'aime pas Robert Forster.
En fait l'assertion est fausse, j'aime beaucoup Robert Forster. Pour deux rôles principalement, celui du père ahuri dans "Human Nature" de Michel Gondry, et celui évidemment inoubliable de Max Cherry, le prêteur de caution de "Jackie Brown" qui s'embarque dans ce qui est pour moi la plus belle love story jamais réalisée au cinéma, en compagnie de la divine Pam Grier.
Là, c'est son premier rôle, il n'a pratiquement aucune réplique, tout ce qu'il fait c'est rôder... Comme un autiste.
Il traîne dans ce monde éteint, la nuit tombée il fait le guet devant la maison du couple Brando/Taylor...
Le jour il galope à poils dans la forêt...
N'importe quoi...
Rapidement, on se rend compte que le type est sacré tordu, qui semble irrésistiblement attiré par Taylor, et qui rentre dans sa chambre (Brando lui, on ne sait même plus où il est), et la regarde dormir chaque nuit... Flippant, et surtout aberrant, qui voudrait d'une psychopathe pareille je vous le demande ?
(4) J'aime pas Liz Taylor
Sa tête, sa coiffure choucroute 60's, ses airs de pimbêche, ses verres d'alcool dans le nez qu'elle gère très mal, son ton hautain et méprisant, ses gloussements... Bien sûr dans son rôle de nana insupportable qui se tape tout ce qui bouge, elle est parfaite. A tel point que j'avais envie de la tuer pour la faire taire une bonne fois pour toute.
L'actrice, le personnage, tout m'horripile, je ne peux pas la voir en peinture, et il y a quelque chose ici qui est trop crédible et donc troublant.
Finalement, les hommes elle s'en fout, elle les manipule, elle joue avec et les jette. Tout ce qui compte vraiment, c'est son cheval fireball. Elle est amoureuse de son cheval...
(5) J'aime pas les chevaux
L'écurie, et ses chevaux, joue un rôle prépondérant dans cette "histoire", il doit y avoir de la psychanalyse freudienne à deux sous derrière tout ça, et j'ai pas spécialement envie de me creuser la tête pour la disséquer.
Mais il faut avouer qu'il y a des séquences admirablement filmées.
Les deux scènes où Brando se fait éjecter du cheval (la première après un saut d'obstacle, et la seconde quand il lance un galop fulgurant qu'il ne pourra pas contrôler) sont hyper impressionnantes avec un rendu de la vitesse assez scotchant et m'ont un peu réveillé de la léthargie dans lequel le film m'avait plongé.
Et finalement, la nature vaut mieux que tous ces hommes misérables et pourris du film, car la scène la plus choquante, la plus marquante est celle où justement Brando de rage se met à lacérer le pauvre cheval qui n'a rien demandé à personne. C'est le point culminant du film, où finalement il devient plus choquant de faire souffrir une bête que tous ces hommes en galère totale et qui vont finir un jour ou l'autre par tous s'entretuer, mais dont le sort nous désintéresse totalement.
(6) J'aime pas John Huston
Là aussi c'est faux, je l'aime bien, enfin j'ai pas tout vu, et même si certains de ses films m'ont saoulé (gens de Dublin, et l'honneur des Prizzi notamment), j'ai pu en apprécier d'autres.
Mais il y a quelque chose autour de sa réputation qui me dérange, on sait qu'il a une forte tendance à bâcler, qu'il délègue un max, et qu'il arrive souvent qu'il ne soit même pas présent sur le plateau de ses tournages, préférant jouer aux cartes ou se bourrer la gueule entre irlando-américains. Du coup quand je vois un film de John Huston, je ne sais jamais trop quelle peut être sa part dans le résultat final, et même si dans le fond on s'en fout, ça me perturbe quand même toujours un peu.
Parce qu'ici techniquement, le film est assez admirable. Alors le filtre jaune pour justifier le titre du film peut donner quelques nausées, mais sinon le travail sur les lumières, sur les ombres, qui renforcent l'étouffement global est brillant et assez immersif. Après en raison du sujet, on s'emmerde pas mal, et finalement je ne suis jamais rentré dans l'univers de ce film très théorique, assez antipathique et angoissant.
(7) J'aime pas le film.
Je l'ai vu il y a une semaine, et j'ai pratiquement tout oublié. C'est-à dire que ça dure quand même pas loin de 2h et qu'il ne s'y passe presque rien.
Je me souviens vaguement de la femme tarée d'un militaire, qui va disparaître aussi vite qu'elle est arrivée, et dont le rôle est proprement inutile (si ce n'est à insister lourdement sur le fait que de toute façon on est vraiment dans un univers détraqué), jouée en plus par la très mauvaise actrice de la "Maison du Diable" de Robert Wise, Julie Harris.
Il y a aussi son serviteur Thaïlandais, insupportable, qui gesticule dans tous les sens comme un acteur du temps du muet, et qui vient donner la justification un peu (beaucoup) fumeuse du titre.
Bref tout ça se regarde, et s'oublie assez rapidement, sans enthousiasme, sans vitalité, et à la fin je n'ai eu envie que d'une chose : qu'ils meurent tous et qu'on n'en parle plus.