"The Shop Around the Corner" est l'une des comédies sentimentales de Lubitsch les plus touchantes, sans doute un peu moins bouffonne et déjantée que ses films les plus drôles, mais lestée d'une sorte de véracité humaine, quasi sociologique, plus forte qu'à l'habitude, et ce malgré la théâtralité des situations (une théâtralité qui permet au maître, rappelons-le, de mettre en place ses fameux mécanismes narratifs qui restent toujours aussi ébouriffants, 70 ans plus tard). C'est que le scénario de "The Shop Around the Corner" se déroule dans un Budapest hanté par la misère, le chômage, la peur permanente de perdre son emploi, et les compromis incessants que chacun doit faire avec sa morale pour rester "bien vu" de son patron : il y a nombre de scènes ici où c'est ce petit théâtre-là, dans toute sa cruauté, qui prend le dessus sur l'intrigue romantique, et, en 2011, alors que nous vivons une crise similaire, on ne peut qu'être frappés par l'actualité et le réalisme de cette vision, qui pour être adoucie par l'habituelle générosité lubitschienne, n'en reste pas moins implacable. Enfin, pour ceux qui collectionneraient les moments les plus "lubitschiens" de la filmographie du génie autrichien, soulignons la sublime scène du suicide de M. Matuschek, tour de passe-passe d'une folle élégance. [Critique écrite en 2011]