Sous ses dehors charmants de comédie romantique/ Screwball comedy tout public, The Shop Around the Corner aborde, mine de rien, pas mal de thématiques assez osées, voire un peu sombre, pour l'époque.
En premier lieu, l'histoire se déroule loin des milieux très huppés auxquels la comédie sophistiquée américaine nous avait habitué. Point de famille riche ici, quand bien même ce serait pour la confronter à la réalité plus sombre d'une époque difficile comme dans l'excellent My Man Goddfrey de Gregory La Cava.
Non, dans The Shop Around the Corner Lubitsch nous présente le monde plus ordinaire d'une boutique de Budapest au sein de laquelle évolue ses employés. Et comme pour enfoncer le clou, et rester à hauteur d'une humanité pour qui les strass et les paillettes sont inacessibles , il va aborder tout au long du film des thèmes difficiles: on y parle de chômage, de pertes d'emploi, d'adultère, de perte de confiance, et même de suicide! Tout cela est fait avec légèreté via la "touch" légendaire du réalisateur allemand. Mais toujours est-il que le film de Lubitsch ne se prive pas d'injecter une bonne dose de réalisme social dans un genre qui aurait parfois tendance à édulcorer un rien la réalité.
Lubitsch doit d’ailleurs suggérer pas mal de choses de manière subtile et détournée, confronté qu'il est au code Hays toujours en vigueur à l'époque.
Le titre du film parle d'ailleurs d'une boutique au coin de la rue et n'insiste pas sur l'aspect amoureux de l'histoire comme le titre français le fait avec son Rendez-vous à mon avis un peu à coté de la plaque. Car s'il est bien question d'une rencontre amoureuse, et si c'est même le sujet central du film, c'est aussi toute la vie qui se retrouve dans la boutique de Monsieur Matuschek avec ses déceptions, ses trahisons, ses conflits, ses désamours, ses quiproquos, ses moments de doutes et de rire qui en est tout autant le sujet central. Comme pour dire que l'amour fait partie de la vie et du monde et ne peut être résumé à de dimples mots, aussi brillants soient-ils, écrits sur une lettre.
Si le film de Lubitsch fonctionne aussi bien et reste plus de quatre-vint ans après sa sortie aussi agréable à regarder, c'est non seulement à cause de l'immense talent du réalisateur et de ses interprètes, tous impeccables, mais aussi car ce film respire la vie, véritable sans artifice... Ou en tout cas en donne toutes les apparences grâce à une mise en scène virevoltante mais qui n'a jamais le mauvais goût de se mettre en avant.
Le cœur du film, ce sera cette histoire de deux personnes qui devront passer au-delà de l'idéalisme romantique qu'ils entretiennent sans le savoir à travers leur correspondance pour embrasser la réalité, et bien entendu Lubitsch parsème son film de renvoit constant à cette idée.
The Shop Around the Corner est pourtant un incroyable exemple de la comédie romantique et de mon humble avis, son meilleur représentant. C'est dû en premier lieu à l'excellence de ses deux interpetes principaux, j'ai nommé l'immense James Stewart et la pétillante Margaret Sullavan qui se renvoient la balle de telle manière à ce qu'on soit toujours au bord d'un eclat de rire. Mais le film doit également énormément à tous ses rôles secondaires. On appréciera spécialement les prestations de Frank Morgan en Monsieur Matuschek, Félix Bressart en Pirovitch et William Tracy incarnant le pétulant Pepi.
Tout cela participe à faire du film de Lubitsch un rendez-vous pour l'espoir et la bonne humeur qui finissent par se rencontrer malgré les moments difficiles et les obstacles.
C''est un véritable bonheur, sans cesse renouvelé à chaque visionnage, de voir évoluer tous ces personnages au sein de cette petite boutique pleine d'humanité. Alors n'hésitez pas et allez faire un tour dans cette petite boutique juste après le coin de la rue. Je suis sûr que vous y trouverez quelque chose à votre goût