Le film d’épouvante est un genre délicat, qui suppose une maitrise indéfectible de son réalisateur et une véritable intelligence du scénariste pour parvenir à ses fins.
Tourneur est très clairement un maitre du genre, qui a la malchance de travailler dans un milieu où les impératifs économiques vous contraignent à dépendre de producteurs, dont le moins qu’on puisse dire est que la finesse et la subtilité ne sont pas les qualités premières. D’où les fameux ajouts du début du film qui ruinent considérablement l’économie générale du récit. Fi de l’ambiguïté et de cette précarité délicieuse entre surnaturel et réalisme que Maupassant savait si bien doser. Sorte de prequel noir et blanc des Gremlins, le démon s’invite dans la séquence d’ouverture et force la compréhension du film.
Ce dernier met un certain temps à démarrer, handicapé par l’éventement de son ouverture. Mais la progression du personnage d’Holden qui voit son scepticisme radical se fissurer lentement prend de l’ampleur et occasionne, dans la deuxième partie, de très belles séquences. La photographie, la lumière sont parfaitement exploitées (et magnifiées par la récente réédition en Blu-ray) pour mettre en place l’atmosphère requise du film d’angoisse. Perspective infinie d’un couloir obscur, poursuite dans les bois nocturnes par un nuage de fumée, plongée sur un escalier au premier plan duquel une main apparait furtivement sur la rambarde, violence du fracas des trains face à un personnage déboussolé… Les morceaux de bravoure s’enchainent et le film délivre enfin toute sa puissance visuelle, forçant notre indulgence face aux maladresses du début. Tourneur s’en tire donc avec panache, et fournit lui-même la réponse au programme énoncé au sceptique qui commence à douter : « You say show me. I say look for yourself. »

Créée

le 25 janv. 2014

Critique lue 1.5K fois

46 j'aime

9 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 1.5K fois

46
9

D'autres avis sur Rendez-vous avec la peur

Rendez-vous avec la peur
SanFelice
6

Laissez voler les petits papiers

Le procédé qui sert de base au scénario du film est on ne peut plus classique : organiser la confrontation entre un scientifique sceptique et des événements apparemment surnaturels. Il s'agit ici...

le 9 nov. 2012

29 j'aime

4

Rendez-vous avec la peur
Gand-Alf
8

Peur du noir.

En grand modeste qu'il est, le cinéaste Jacques Tourneur a toujours refusé l'étiquette d'auteur, se voyant plutôt comme un honnête artisan soucieux de rendre le travail le plus propre possible. C'est...

le 2 juin 2014

23 j'aime

5

Rendez-vous avec la peur
Ugly
7

Un savant sceptique découvre les forces du mal

Jacques Tourneur était absolument convaincu que notre monde était le théâtre de lieux "magiques" et de forces surnaturelles, aussi son film illustre-t-il cette approche du fantastique quotidien telle...

Par

le 1 nov. 2017

14 j'aime

6

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

618 j'aime

53