La scène d’ouverture de Rendez-vous de juillet est une fausse piste intéressante : diner compassé dans la bourgeoisie parisienne, il semble reprendre l’esthétique du panoramique familial exploité dans Goupi Mains Rouges et le transposer dans une nouvelle classe sociale. Mais c’est le mouton noir qui intéresse ici : non pas un fils de retour, comme pour le film précédent, mais bien celui qui s’en ira, le plus loin possible.
Avoir 20 ans en 1949 : tel est le programme auquel nous invite ici Jacques Becker. La France bouillonne et sa jeunesse la propulse dans une nouvelle ère, fraichement influencée par les libérateurs américains : le jazz est partout, et rythme ces danses aussi frénétiques que les rêves qui les accompagne. On joue du théâtre, on prévoit des voyages, on s’initie à l’amour.
D’un mouvement continu, le film joue dans sa longue exposition sur sa construction chorale, notamment par le téléphone assurant la liaison entre les différents camarades, qui investissent ensuite un espace totalement conquis : le véhicule amphibie, probable récupération de l’armée américaine, symbolise cette fluidité insolente, sur la Seine comme dans les rues.
Certes, les désillusions jalonnent aussi le parcours, comme les répits accordés à l’improvisation musicale : c’est la fragilité d’un couple, la rencontre de deux continents (celui, intime, de l’amour ou du rêve d’expédition en Afrique, contre le plus vaste du monde du théâtre ou de l’Administration française) et les choix nécessaires.
Mais la jeunesse ne s’embarrasse pas de tragique : c’est l’âge des possibles que donne à voir Becker, à travers tous ces escaliers qu’on gravit et ces compagnons qu’on galvanise ; l’envol final de la joyeuse troupe, même s’il laisse quelques larmes au sol, confirme cette valse habitée, des caves de St Germain aux cieux de l’aéroport.