L'exercice d'adaptation dispose toujours de difficultés et de particularités intéressantes à analyser... surtout quand il s'agit de transposer certains codes de la Nouvelle Vague française dans le contexte d'une société et d'une production cinématographique bien différentes, celles du Japon.


La trame narrative rappelle celle d'un autre film issu de ce qu'on pourrait appeler la Nouvelle Vague japonaise (assertion à confirmer par les experts), "Le Lac des femmes" (1966) de Yoshishige Yoshida. L'érotisme, la grâce et la beauté froide de Mariko Okada en moins (et c'est un immense "moins", autant le dire). Une relation amoureuse adultérine entre une femme mûre et un jeune homme qui risque d'être révélée au grand jour : cet aspect-là est parfaitement interchangeable entre les deux films. Aux négatifs de photos du corps nu d'Okada, dérobés et objets de chantage, se substitue ici un autre dilemme moral. Lors de leurs ébats champêtres, les deux amoureux assistent à un meurtre mais ne peuvent aucunement témoigner sans révéler leur liaison au grand jour. La conscience idéaliste de l'homme n'aura de cesse de le tourmenter, tandis que la crainte de perdre la face semble murer la femme mariée dans un silence relevant autant de l'évidence que de la nécessité.


Il manque sans doute à "Mikkai" une certaine ambition formelle et un brin de charisme supplémentaire chez les deux personnages principaux pour que le récit délivre vraiment tout son souffle, toute sa puissance analytique, toute la cruauté contenue dans le dilemme qui emprisonne les deux amants. Les quelques notes de saxophones et l'ambiance sonore jazzy pourra même s'avérer rebutante, en plus de détonner plus ou moins agréablement avec l'univers et les codes japonais. L'ambiance est presque étrange, comme les swinging sixties avant l'heure et à quelque 10 000 kilomètres de leur origine géographique. L'utilisation des flashbacks reste mesurée, les réminiscences du moment mortel fatidique à la fois originales et amusantes, tout comme les références à la culture européenne à travers des précisions de vocabulaire anglais et allemand. Le final peut sembler un peu précipité, mais il conserve une certaine amertume tragique et une certaine efficacité de choc. Kô Nakahira n'est pas Mikio Naruse, mais tout de même, son œuvre est une curiosité qui vaut le détour.

Morrinson
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le 30 mars 2017

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Morrinson

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