Western amazonien commencé par Budd Boetticher sur place (en Amazonie même et non en studio ni "locations" américaine, mais interrompu faute d'argent et de bonne santé dans l'équipe de tournage : mal préparée à la jungle du Matto Grosso au Bresil, elle fut rapatriée (Sara Montiel était alors a la place de Abbe Lane et Arthur Kennedy à celle de Frank Lovejoy).
La trace laissée par Budd Boetticher est peut-être dans le filmage magnifique du décor amazonien, et sans doute aussi dans le choix des taureaux comme protagonistes majeurs de l'intrigue : ce sont ses animaux preférés, au point qu'il fut longtemps lui-même torero au Mexique.
Peut-être aussi dans le soin apporté au personnage du méchant joué par Lovejoy, car il va bien avec la serie des bad guys très interessants qui affronteront Randolph Scott dans sa superbe série de quatre films de 1956 a 1960.
Ici, c'est un rôle complexe de grand propriétaire à la fois fourbe et arrogant, avide et grand seigneur, egotiste et ambitieux, et peut etre même est-il amoureux de Sam Dent l'éleveur texan joué par Glenn Ford qui lui vend (tres cher) ses taureaux reproducteurs convoyés depuis les Etats Unis.
Le titre original The Americano nous introduit à l'idée que se faisaient bien des américains quant au regard fasciné des indigènes sur eux, sur "ces étrangers venus de loin".
Le personnage de Glenn Ford est censé incarner l'esprit de l'américain en terre étrangere : il est démocrate et naif mais ne s'en laisse pas ,compter et, sans vouloir se mêler des conflits locaux, il rejoint quand même le camp du bien, celui des opprimés. Ceci est certes l'idéal du spectateur americain de l'époque et non la realité de la politique américaine : au Bresil ou ailleurs, elle fut bien plus intrusive et utilitaire.
Malgré cette posture idéologique bienveillante, la peinture des interactions entre les personnages principaux ou secondaires ne cache pas l'évidence d'un paternalisme ridicule.
On perçoit d'ailleurs que Glenn Ford n'est pas à son aise dans son rôle, peut-être à cause de cela. Il est engoncé dans son costume de jean et son chapeau Stetson qui ne le quitte jamais, Il garde la meme gestuelle et la même pseudo desinvolture, si stereotypées qu'il en est enlaidi alors qu'il est si bon acteur, alors que c'est très souvent un plaisir de le regarder jouer quand il investit ses bons rôles, dans des westerns ou des films noirs, car il peut-etre à la fois si vif et si mélancolique, si beau et crédible en good guy, ou en seducteur irresistible malgré lui, ou même en méchant obtus.
L'actrice Abbe Lane, la reine de la rumba, est impressionnante par son allure, ses chants et ses danses tres sexy - qui évoquent plus Brooklyn que les danses latines - tandis qu'Ursula Thess joue de maniere assez quelconque un rôle de femme de tete empruntée mais amoureuse.
Cesar Romero fait ce qu'il peut pour accrediter la jovialité, la bonhomie et le double jeu qu'Hollywood prete souvent aux bandits sud-americains.
En résumé, la deuxieme partie du film ne tient pas les promesses de la premiere qui annonçait une complexité des relations, et des sinuosites croisées dans une intrigue entre des personnages aux conflits d'interet qui se chevauchent.
Et elle finit helas comme un western de serie B bâclé, avec des pugilats de pacotille entre bons et mechants, et un gunfight final qui est un duel basique revolver contre fusil, animé sans aucun relief.
(Notule de 2022 publiée en janvier 2025)