Il y a quelques années, j'ai participé à un prix littéraire qui a distingué le roman de Maylis de Kerangal : Réparer les vivants. C'était un roman prenant, magnifique, tremblant, vibrant. Avec une écriture pulsatoire merveilleuse. Qui aura oublié cette unique phrase retraçant la course folle d'un adolescent à vélo pour rattraper son amoureuse ? Et ce baiser qui marque l'avènement du point final.
Bref, après le théâtre, le cinéma s'est emparé de ce livre de personnages (puisque l'on suit des protagonistes dans le trajet d'un cœur de la mort à la vie), de sensations.
Autant dire qu'il y avait de quoi se planter, d'ailleurs la bande annonce laissait présager du sang et des larmes, du pathos. On en a un peu, avec la musique notamment, pas très chouette (un peu redondante, agaçante).
Du sang, parce que la réalisatrice a choisi de nous montrer les opérations (mais après La fille de Brest on peut tout supporter) presque en direct. Des larmes un peu, avec les parents du jeune garçon. Et ce dernier hommage qu'ils lui rendent par l'intermédiaire d'un accompagnateur des corps dont on prélève les organes. Il y a beaucoup de respect pour la vie, l'humain dans ce film.
Finalement, Katell Quillévéré parvient à faire un film de sensation, celui de la vague qui nous embarque dans une putain de première séquence quasi mutique. Ensuite, en s'intéressant aux gestes, aux visages, aux regards et aux connivences. Les acteurs font plutôt bien le job, certains mieux que d'autres. L'ambiance générale est douce et plutôt juste. Certes, on reste à la surface de tous ces êtres qui font muter un cœur d'un corps à l'autre, mais c'est à une chaîne humaine que s'intéresse le film, pas à l'individu en particulier. Mais à cet être humain qui, comme les poissons clowns, refuse de laisser faire la nature et de disparaître, quitte à retirer une vie pour en sauver une autre. Enterrer les morts, réparer les vivants, ne surtout pas disparaître ...