Je vous propose de vous plonger dans l’histoire de « Réparer les vivants », film réalisé par Katell Quillévéré qui aborde plusieurs sujets très forts tels que la mort, la douleur et le deuil. Si toutefois le film mérite le visionnage, ce n’est pas parce qu’il traite de sujets aussi sombres que ceux que je viens d’énumérer et que nous avons déjà affrontés, ou affronterons toutes et tous un jour. Non, tout l’intérêt de ce film réside dans sa capacité à montrer la résilience de l’être humain, l’entre-aide et la force qu’il est capable de délivrer. C’est au final un film particulièrement bouleversant qui se focalise sur l’humain dans ce qu’il y a de plus beau et sur sa volonté de vivre : avec et grâce à ses pairs.

Malgré tout, nul doute que ce film risque de paraître inaccessible, voire de perdre les spectateurs en cours de route, tant il peut se dévoiler véritablement difficile à visionner et particulièrement austère par moment. Car si « Réparer les vivants » aborde, avec pertinence, le questionnement sur la vie, en se focalisant sur l’être humain, la réalisatrice paraît paradoxalement le soustraire presque totalement de son récit. Quillévéré nous invite ainsi à suivre brièvement des personnages tout au long du film, plus en toile de fond, en dressant des portraits sommairement caractérisés pour les reléguer au second plan. Ici, le cœur du film, c’est le parcours médical, dès les premières minutes et ceci presque jusqu’à l’apparition du générique de fin. Cet angle très méthodique, voire clinique du traitement de l’ensemble érige un mur de froideur, propice à écarter le spectateur le plus enclin à l’empathie, plus habitué au focus émotionnel du genre dramatique. Il y a ici une approche presque documentaire qui souligne la sobriété souhaitée par la réalisatrice. Il s’agit en quelques sortes d’un anti-Grey’s Anatomy : le drame est brutal, tangible et les bons sentiments sont absents. C’est du réalisme médical et de l’engagement purement professionnel et méticuleux que naissent l’espoir.

Il ne faut pour autant pas être effrayé par l'angle véritablement déroutant voulu par la réalisatrice, parce qu'au final ce choix se révèle particulièrement audacieux et malin : la réussite de ce film repose justement sur la mise en avant de ces intentions pragmatiques. Elles accentuent l’impact sur le spectateur grâce à sa portée instructive pour l’inviter sincèrement à la réflexion.

N’oublions pas pour autant qu’il s’agit de cinéma et son autrice le sait. En témoigne de sa maestria à manier une caméra pour asseoir une mise en scène épurée et gagner en pudeur dans les moments où l’intimité l’exige. De même, elle se montre capable de nous proposer des cadres contemplatifs à la mise en scène virevoltante et ponctue, à plusieurs reprises, son long-métrage de moments très poétiques et d’une tendresse infinie. Ces envolées de magnificence pure sont sublimées par des compositions musicales très soignées, empruntes de mélancolie, mais également de beaucoup de douceur. La musique est d’ailleurs omniprésente tout au long du film et lui octroie presque une chaleur et une bienveillance, contrastant avec l’impassibilité instaurée. Les notes chaleureuses de la bande originale permettent d'accentuer la douceur et la chaleur des humains qui jonchent le film. Les personnages sont d’ailleurs nombreux, mais bien écrits en dépit de leur faible caractérisation et de leur presque unique fonction visant à servir le récit. Difficile alors de ne pas s’y attacher malgré tout, d’autant qu’ils sont simplement des êtres fragiles et décrits de manière la plus naturelle possible. La démarche est cohérente avec la direction réaliste du film : Les réactions paraissent authentiques, proches des nôtres, sans pathos exacerbé. Le final offre le point culminant émotionnel qui démontre que la réalisatrice avait raison : prendre de la distance avec les personnages pour se concentrer sur leur vécu, de manière presque didactique tout au long de la narration, nous transmet in fine l’impression d’avoir ressenti leurs épreuves. L’humain est finalement replacé au centre avec l’achèvement des parcours de chacun des protagonistes pour parvenir à nous toucher au plus profond de notre être.

« Réparer des vivants » se présente, au final, comme un film puissant, mais pouvant paraître difficile à regarder, voire, pour certains, s'apparenter à un moment psychologiquement éprouvant.

Pour ma part, je le vois davantage comme une œuvre d’une beauté renversante.

onlyrormovies67
8
Écrit par

Créée

le 26 janv. 2024

Critique lue 11 fois

onlyrormovies67

Écrit par

Critique lue 11 fois

D'autres avis sur Réparer les vivants

Réparer les vivants
AgnesMaillard
6

France Transplant, bonjour!

Bon, on peut commencer directement par les points positifs : un très bon casting, un sujet pas évident et surtout les 12 premières minutes (à quelques minutes près!). J'ai adoré la manière dont est...

le 7 oct. 2016

24 j'aime

13

Réparer les vivants
gwennaelle_m
10

Critique de Réparer les vivants par gwennaelle_m

J’ai rarement vu un film d’une telle beauté portant sur un thème aussi personnel qu’universel qu’est le don d’organe. Les premières scènes nous plongent totalement dans l’univers un peu sacré du...

le 23 oct. 2016

21 j'aime

3

Réparer les vivants
eloch
6

De battre son cœur ne s'est pas arrêté...

Il y a quelques années, j'ai participé à un prix littéraire qui a distingué le roman de Maylis de Kerangal : Réparer les vivants. C'était un roman prenant, magnifique, tremblant, vibrant. Avec une...

le 9 nov. 2016

17 j'aime