Une équipe de télévision se rend dans une église désaffectée pour y filmer les répétitions d'un concert classique.Mais les musiciens,entre désinvolture,manque de motivation et revendications syndicales,vont foutre un bordel monstre qu'une coupure de courant et l'effondrement des murs ne vont pas arranger.Là,on est clairement dans le Fellini deuxième manière.Federico fut un des piliers de la comédie italienne néo-réaliste,à laquelle il donna de véritables chefs-d'oeuvre comme "Les vitelloni" ou "Il bidone".Cette période dura jusqu'à "La dolce vita" en 60,film charnière qui s'apparente à ses travaux antérieurs mais voit poindre le nouveau style qui sera ensuite celui du cinéaste et qu'on pourrait qualifier de baroque barré.C'est de cette façon qu'il opèrera à l'avenir,et ce dès son film suivant en 63,"Huit et demi".Hélas,ce cinéma grotesque et outrancier n'est guère convaincant,même s'il n'est pas dénué de qualités et contient parfois des fulgurances."Prova de orchestra",produit à l'origine pour la télévision,s'inscrit dans cette veine et constitue même un des trucs les plus allumés qu'ait concocté le réalisateur.Il est entouré ici de toute sa bande,une équipe technique bien rodée comprenant Brunello Rondi,avec qui il cosigne le scénario,le décorateur Dante Ferretti,le chef-op Giuseppe Rotunno,le monteur Ruggero Mastroianni,frère de Marcello,l'assistant Maurizio Mein et bien sûr l'inévitable Nino Rota à la musique,tous ces gens accomplissant efficacement leur boulot,notamment Rotunno qui sait donner de la texture à l'image et joue admirablement avec les lumières et le clair-obscur au fil d'une oeuvre où la luminosité évolue constamment.Pour le reste,Fellini fait du Fellini post-60 et multiplie les personnages aux gueules pittoresques,à la diction exubérante et aux comportements étranges.Le procédé du reportage télévisuel,qu'il réemploiera plus tard dans "Intervista",lui permet de présenter isolément les protagonistes au fil d'interviews individuelles.Mais il veut brasser trop de thèmes et l'opération tourne vite au foutoir intégral.On peut discerner dans le tas une jolie déclaration d'amour à la musique,le réalisateur soulignant le miracle qui voit ces instruments,simples assemblages de bois ou de métal,parvenir à exprimer des sons mélodieux,sous l'effet de l'action d'hommes et de femmes aux pouvoirs quasiment magiques.Autre sujet,la place délirante prise à l'époque par le gauchisme syndical,qui aboutit ici à pénaliser toute entreprise avec un ridicule absolu.La schizophrénie est également de sortie,car les musicos sont de façon touchante attachés à leur métier et à leurs instruments,de manière presque amoureuse,ce qui ne les empêche pas de se conduire avec désinvolture et peu professionnellement,entre ceux qui se disputent,qui se vannent,qui se battent,qui écoutent le foot à la radio ou qui baisent dans les coins,et qui finiront par interrompre la répétition pour se livrer à une révolution de pacotille.Encore une thématique enfournée par Felly,et pas la moins intéressante,la difficulté qu'il y a pour un artiste,et pour tout un chacun car cet orchestre est évidemment une allégorie de la société entière,à concilier narcissisme et travail d'équipe.Ainsi,chaque musicien se vante d'être le seul dont l'instrument est indispensable à la bonne marche de l'ensemble,cette mise en valeur étant bien sûr plus destinée à louer les mérites de l'interprète que ceux de son outil.Ce désir de reconnaissance au-delà du collectif transparait d'ailleurs lors des interviews,qui voient les personnages s'épancher complaisamment alors même qu'au départ ils refusaient d'être filmés et interrogés sans être payés pour ça.Mais l'attrait de la caméra et du vedettariat,fut-il éphémère,est décidément trop fort.Toutefois,l'esprit revendicatif reprendra le dessus et aboutira à un désordre comparable à celui du script,pour ensuite se diluer et déboucher sur un retour au calme qui met en évidence la confusion de la pensée des auteurs.Qu'ont-ils réellement voulu démontrer?Que l'harmonie peut naître du chaos?Que la révolution engendre forcément le fascisme?Ou tout simplement que rien ne change jamais et qu'une fois l'orage passé ce sont toujours les mêmes qui reprennent les rênes?Les acteurs,des inconnus qui s'en sortent très bien,sont probablement pour la plupart d'authentiques musiciens.