Le cinéma de Tarantino serait-il exposé à l'usure du temps ? Au quatrième visionnage du premier film du petit maître que nous apprécions tant, le doute s'impose : ce que Tarantino inventait ici - la narration éclatée, la violence graphique, les citations cinéphiles et musicales en veux-tu en voilà, une forme de second degré intelligent (un vrai défi, ça !) - et qui nous avait tant bluffé à l'époque, a été tellement recyclé, et - heureusement - amélioré, par lui-même en premier lieu, que ce qui subsiste aujourd'hui en regardant "Reservoir Dogs", c'est plutôt une irritation légère devant tant de maniérisme, et surtout devant une certaine forme de racolage du spectateur, qu'on a finalement du mal à trouver sympathique. L'excès d'hémoglobine - bien vermillon - mais surtout la gratuité complaisante du personnage de Mr. Blonde, d'indiscutables "tunnels" durant lesquels on s'ennuie mollement (le film est bien trop long par rapport à son sujet) ont fini par gommer l'admiration qu'on ressentait à l'époque devant l'intelligence qui se dégageait - et se dégage encore - de la manière dont Tarantino et ses personnages décrivent un monde dans lequel raconter des histoires, et bien les raconter (quitte à s'entraîner encore et encore à mentir) est finalement plus important que ce que veulent dire ces histoires elles-mêmes. Oui, cette baisse indéniable d'intérêt de "Reservoir Dogs" inquiète le fan de Tarantino que j'ai toujours été : son œuvre résistera-t-elle au passage des années ? [Critique écrite en 2016]