Quoi? Non vraiment je ne cherche pas à faire mon malin mais il y a quand même quelque chose d’ambigüe avec ce film que j'ai capté sur le tard.
On passera assez vite sur le fait que les femmes, sinon absentes, sont seulement suggérées dans le film et pas de manière flatteuse. On passera aussi assez vite sur la relation masochiste qu'entretiennent Harvey Keitel et Tim Roth. En l’occurrence Mr White prendra la défense de Mr Orange, un inconnu, jusqu'à abattre son vieil ami Joe, et Mr Orange de confesser être l'infiltré, alors que les sirènes de police hurlent devant l'entrepôt. Son silence lui aurait laissé une chance de s'en sortir. On remarquera d'ailleurs la manière étrange avec laquelle les deux hommes agonisant se câlinent dans un bain de sangs mêlés. Et quand je parle de "sangs mêlés" je n'irai pas jusqu'à établir une métaphore entre cette scène et le contexte de l'époque où le film a été tourné.
Mais laissons-les alors pour nous attarder sur un couple bien plus "suspect" : Eddy le gentil et Mr Blonde. Donc, comme Mr White et Mr Orange, Mr Blonde a une partie de sa biographie dévoilée au cours du film, tournée en une seule scène dans le bureau du boss. Magnifique repaire de truands, deux majestueuses défenses d'éléphant piègent le regard vers le trône du chef de clan. Mais avez-vous remarqué la peinture de St Sébastien en martyr au dessus de la tête de Mickaël Madsen? Donc Mr Blonde est un truand qui a tiré quatre ans pour braquage et qui a préféré couvrir son boss plutôt qu'une probable remise de peine. Arrive alors Eddie, le fils du caïd, un très bon ami de Mr Blonde, alias Vic Vega. Les deux hommes se retrouvent enfin depuis quatre ans, s'étreignent, se font un bisou. Si si. Les compères très vite se chambrent pour finalement se rouler par terre comme deux jeunes chiens fous. C'est pas du goût du paternel : "Si vous voulez faire ce genre de trucs allez dans le bureau d'Eddy!" Mais le fiston s'en fout pas mal : "Papa t'as vu ça?" "Quoi?" " Il m'a mis par terre et a voulu m'enculer" S'en suit une joute verbale qu'on pourrait qualifier d'homophobe mais ce serait alors donner un peu trop d'angélisme aux homosexuels. Cette joute se verrait finir en une autre galipette si ce n'était l'intervention de Joe. Du coup ça parle affaire, et du casse du diamantaire. C'est Eddy qui l'introduis. Le père donne son consentement. Qu'en pense Mr Blonde? " Eh Vic que dirais-tu d'un coup avec cinq autres mecs?" "Ce serait super."
Plus tard lorsque Eddy pénètre dans l'entrepôt avec fracas pour sermonner Mr White et Mr Pink on remarquera comment celui-ci s'épargnera la peine de demander des comptes à Mr Blonde alors qu'à l'évidence il est le psychopathe de la bande. Enfin l'histoire s'oriente vers un dénouement funeste quand Eddy revient et retrouve son ami perforé de balles car il menaçait d’immoler un simple flic. Le chagrin d'Eddy, sa colère prête à exploser rendus si brillamment par le jeu du regretté Chris Penn pourraient renvoyer aux tragédies grecques.
Alors en guise de conclusion je dirai que "pourquoi pas?"! L'entrepôt, point de chute des truands, est la scène sur laquelle se joue cette tragédie. En Grèce durant l'antiquité les acteurs étaient tous des hommes adultes sans exception. Le "coup de théâtre" de Mr Orange qui d'ailleurs répète sur une scène urbaine criblée de graffitis un monologue visant à charmer les malfrats. Le surjeu des acteurs, le jeu des masques, ici les noms. Qui peut nier le caractère tragique du final impliquant des personnages avec des liens forts, un père et son fils. Après tout il s'agissait du premier film de Tarantino, lui qui a commencé dans les arts du spectacle par le théâtre et non le cinéma. Et même, finalement, est ce qu'on nous aurait pas tout expliqué dès le début du film? Les premières répliques sont prononcées par le réalisateur lui-même qui expose le sens caché, selon lui, de "like a virgin". C'est fun, c'est culte mais si après tout ce n'était pas volontairement explicite? Une œuvre même populaire n'est jamais aussi simple qu'il n'y paraît. Une simple intuition, un pas de côté, les perspectives diffèrent et l’œuvre change du tout au tout.