Saga effervescente.
On ne pourra pas dire que Paul Anderson n'est pas quelqu'un de généreux et qu'il ne s'amuse pas derrière sa caméra. Le bonhomme aime filmer sa femme (Milla Jovovich quand même) sous toutes les...
Par
le 21 oct. 2013
38 j'aime
11
En 2011, Paul W. S. Anderson, réalisateur et scénariste attitré de la saga cinématographique Resident Evil, propose à ses producteurs et distributeurs de tourner les cinquième et sixième films de la franchise en simultané. Son objectif est double : optimiser le temps et le budget de production, tout en concluant une saga qui s'étire. En effet, après quatre films, la série semble avoir exploré la plupart des concepts qu'Anderson souhaitait écrire et mettre en scène, et il pourrait ressentir une certaine lassitude à prolonger encore l’histoire.
Cependant, malgré les arguments logistiques et financiers avancés par Paul W. S. Anderson, cette proposition ne convainc pas les producteurs et distributeurs. Ces derniers préfèrent conserver un modèle de sortie échelonné, qui permettrait d’évaluer la réception du cinquième film avant d’investir pleinement dans un sixième opus. De leur point de vue, tourner les deux films en même temps représente un risque financier et artistique : si le cinquième volet ne fonctionne pas bien au box-office, engager immédiatement un sixième film pourrait s’avérer une erreur coûteuse.
Avec le refus de sa proposition, Paul W. S. Anderson doit donc s’atteler à la réalisation de deux films distincts, repoussant d'autant la conclusion de la saga. Cela signifie une prolongation de son implication dans un univers dont la narration devient de plus en plus décousue.
En 2012, Resident Evil : Retribution sort en salles. Cette sortie coïncide avec un autre événement majeur pour la franchise : la sortie de Resident Evil 6, le jeu vidéo, sur PlayStation 3 et Xbox 360. Cette double actualité témoigne de l’importance commerciale de la saga Resident Evil en tant que marque multimédia, mais elle illustre aussi la divergence grandissante entre les films et les jeux.
Dans cet opus, on assiste à un retournement de veste aussi soudain qu'incohérent : Albert Wesker, l'antagoniste emblématique de la saga, décide d’aider Alice à s’évader des laboratoires d’Umbrella. La raison ? L’humanité est en train de disparaître, et Alice représenterait son ultime espoir. Déjà, l'idée est difficile à avaler. Depuis le début, Wesker est présenté comme un être froid et calculateur, prêt à tout pour accomplir les objectifs d’Umbrella, quitte à trahir et manipuler ses alliés. Or, le voir devenir une sorte de sauveur contredit tout ce qui a été construit jusque-là. Pour ne rien arranger, une autre révélation vient brouiller davantage une intrigue déjà bien confuse : Wesker n’est plus vraiment le chef d’Umbrella. Il semblerait que la Red Queen, l’intelligence artificielle du premier film, ait désormais pris le contrôle de l’organisation. Problème : cette IA était initialement conçue pour empêcher la propagation du virus et contenir toute menace. Pourquoi aurait-elle soudainement décidé d’éradiquer toute l’humanité ? Ce retournement va totalement à l’encontre de sa logique d’origine. Le scénario s’embourbe dans ses propres contradictions et ne semble même plus essayer de maintenir une cohérence interne. À ce stade, suivre l’histoire devient un exercice d’abandon : tout change, tout se contredit, et plus rien n’a de sens.
Milla Jovovich se retrouve une nouvelle fois enfermée dans un complexe Umbrella. Un énième laboratoire souterrain, un énième terrain de jeu pour des simulations absurdes. Cette fois-ci, elle est entourée de clones et de programmes qui recréent artificiellement des environnements urbains. Mais rapidement, Alice attend d’être secourue par un commando envoyé par Wesker. L’idée aurait pu fonctionner si les personnages étaient intéressants. Mais ils ne le sont pas. Malgré le retour de nombreuses figures des précédents films, tous sont réduits à de simples pantins sans personnalité. Alice elle-même semble vidée de toute substance. Son évolution, qui aurait pu être marquée par la lassitude ou une remise en question après des années de combat, n’existe pas. Aucun d’eux ne démontre de vraie motivation, d’émotion ou d’évolution.
Le format clone permet aux scénaristes de ramener des visages familiers : Michelle Rodriguez et Colin Salmon du premier Resident Evil, ainsi que Oded Fehr de Resident Evil : Apocalypse et Resident Evil : Extinction. Sur le papier, c’est une idée qui pourrait être intrigante, voire émotionnellement marquante. En pratique, elle est totalement creuse. Les personnages ressuscités ne sont que des répliques sans âme. Ils sont là pour l’effet nostalgie, mais ne servent à rien d’autre qu’à meubler l’action. Pas d’émotion, pas d’impact : ce ne sont que des figurants glorifiés.
Johann Urb, Kevin Durand, Li Bingbing et Boris Kodjoe de Resident Evil : Afterlife sont respectivement Leon S. Kennedy, Barry Burton, Ada Wong et Luther West, le groupe venu sauver Alice. On pourrait croire que ces figures emblématiques du jeu vidéo seraient mises en valeur… Mais non. Ces personnages sont plats, inexistants. Ils n’ont pas de réel développement, pas d’histoire propre. Ils sont là pour aider Alice, mais n’apportent rien au récit. Le film utilise des noms connus des jeux pour attirer les fans, sans leur donner la moindre substance.
Dans une tentative maladroite d'ajouter un semblant d’émotion, le film introduit une fillette malentendante qui devient une sorte de fille adoptive pour Alice. L’objectif ? Reproduire la relation mère / fille poignante entre Ripley et Newt dans Aliens de James Cameron. Sauf que rien ne fonctionne.
D’abord, cette enfant n’est qu’un clone, ce qui réduit d’emblée tout enjeu émotionnel. Ensuite, l’attachement entre elle et Alice est forcé et sans construction. Le film tente de nous faire croire à une connexion forte entre elles, mais ne prend jamais le temps de développer leur relation de manière crédible. Contrairement à Ripley, qui adoptait Newt après avoir vu son attachement grandir progressivement, Alice semble soudainement tenir à cette enfant sans raison valable. Tout sonne faux.
Le film ressuscite des tonnes de personnages et en introduit de nouveaux, mais oublie ceux qui auraient eu une place logique dans l’histoire. Exit Chris et Claire Redfield, disparus sans explication, pareil pour K-Mart, elle aussi évincée. Pourquoi ramener autant de monde si c’est pour ne rien en faire ? D’autant plus que même les scènes d’action, censées être le point fort du film, sont ratées. On assiste à des combats au ralenti exagérés, ultra-chorégraphiés, sans aucun impact réel. Il n’y a ni tension, ni brutalité. Tout semble aseptisé, comme si le film était plus préoccupé par son esthétique que par la construction de moments réellement palpitants.
Sienna Guillory revient dans le rôle de Jill Valentine, et ce qui aurait pu être un grand moment se transforme en déception. Dans cet opus, Jill est reléguée au rôle d’antagoniste manipulée par la Red Queen. Son rôle se résume à être une marionnette sans personnalité. Loin de la guerrière indépendante et forte des jeux vidéo, elle devient ici un simple bras armé, sans volonté propre. Son potentiel est totalement gâché, et son affrontement avec Alice est aussi vide que le reste du film.
Le climax du film voit Alice, Albert Wesker, Jill Valentine, Leon S. Kennedy et Ada Wong réunis à la Maison Blanche, prêts à affronter la menace de la Red Queen. La scène est censée annoncer un affrontement final épique. Ce plan final est un condensé de ce qu’est devenue la saga cinématographique Resident Evil : une série de films qui ne cherche plus à raconter une histoire crédible, mais qui enchaîne les clichés et les incohérences pour le spectacle. À ce stade, il ne reste plus qu’à prendre le tout comme un bon vieux nanard d’action, à apprécier au second degré.
Resident Evil : Retribution est un film qui illustre parfaitement la dégénérescence de la saga. L’histoire est un enchevêtrement d’éléments contradictoires, les personnages sont sans âme, et même les scènes d’action manquent d’impact. Paul W. S. Anderson semble simplement empiler les références aux jeux et aux précédents films sans chercher à leur donner une véritable utilité.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films avec Paul Anderson
Créée
il y a 2 jours
Critique lue 2 fois
D'autres avis sur Resident Evil: Retribution
On ne pourra pas dire que Paul Anderson n'est pas quelqu'un de généreux et qu'il ne s'amuse pas derrière sa caméra. Le bonhomme aime filmer sa femme (Milla Jovovich quand même) sous toutes les...
Par
le 21 oct. 2013
38 j'aime
11
Après le naufrage de l’épisode précédent, un naufrage mille fois plus impressionnant que celui du Titanic tant Paul W.S. Anderson a réussi à tout foirer hormis son générique. Le...
Par
le 27 sept. 2012
26 j'aime
16
Suite au visionnage du quatrième opus qui était pour un moi un vrai foutage de gueules, voire même une insulte de la série des jeux vidéo, j’avais quand même eu la curiosité de voir si le metteur en...
Par
le 10 mai 2020
12 j'aime
6
Du même critique
En 2023, cinq ans après Spider-Man et trois petites années après Spider-Man : Miles Morales, les hommes araignées reviennent dans une suite directe aux aventures des deux super-héros. Le studio...
le 4 janv. 2024
2 j'aime
Mission Impossible III a changé bien des choses. La promo a été piratée par Tom Cruise, qui a étalé sa vie personnelle et son mariage avec Katie Holmes. Conséquence directe ou coïncidence : le...
le 7 juil. 2023
2 j'aime
Comme la majorité des jeunes français, j’ai connu Dragon Ball le 02 mars 1988 sur TF1, dans le Club Dorothée. J’étais loin de me douter que ce dessin animé était l’adaptation d’une bande dessinée,...
le 18 oct. 2022
2 j'aime
3