Those who leave and those who stay

Fils du cinéaste éthiopien Haile Gerima, membre du mouvement cinématographique L.A. Rebellion, Merawi Gerima semble prolonger la démarche de son père avec sa première réalisation.


Ouvrant sur un rassemblement festif en pleine rue, nous sommes plongés dans un environnement urbain au plus proche des individus et ressentons l’effervescence de l’événement. La séquence suivante contrebalance totalement ce ressenti puisque nous sommes aux côtés de Jay durant son calme trajet vers sa terre natale.
La suite des événements se concentrera uniquement sur la quête de ce jeune homme tentant de reprendre ses repères dans un quartier en pleine transformation. Sa volonté d’effectuer un film sur ses rues n’est qu’un prétexte pour retrouver ses anciens compagnons et rattraper le temps perdu. Nous l’observons donc déambuler sur le pavé à observer ces maisons si familières et pourtant bien différentes maintenant.
À travers son parcours, l’auteur retranscrit le vécu d’une part de la communauté afro-américaine. Les rencontres effectuaient par Jay nous permettent de comprendre comment était le secteur avant et la manière dont la gentrification à impacter son développement. Elles mettent aussi en évidence la fissure qui se crée entre ceux qui sont restés toutes ces années et ceux qui sont partis bien avant.


Pour ceux qui ont quitté cet environnement, l’emménagement dans un autre cadre n’est pas forcément signe d’évolution positive. Il est le reflet d’une volonté de quitter un déterminisme social et de tenter de se construire un avenir meilleur. Pour autant, nous voyons bien qu’un changement de décor n’est pas suffisant pour trouver la paix. Les éléments extérieurs propres à la fracture sociale et au néo-libéralisme se vivent au quotidien indépendamment de notre localisation. Dans ce film, il se reflète à travers le marché immobilier et ses conséquences.
Pour ceux qui sont restés, la peine est multiple. Il faut accepter le déménagement d’êtres chers, faire face à l’arrivée de voisins déconnectés de leur réalité et tenter de survivre au quotidien. Le destin est tragique d’autant que ceux qui demeurent peuvent être amenés à partir. Cette absence peut être temporaire pour ceux finissant en prison ou définitive pour ceux reposant dans un cercueil. Les rescapés portent ainsi le poids de tous ces maux dans un silence douloureux.
Hormis ces deux trajectoires, nous quittons parfois Jay pour nous positionner aux côtés des nouveaux résidents du quartier. Nous découvrons ainsi à quel point ces individus sont totalement en décalage avec la réalité de leurs voisins. Ces moments mettent en évidence à quel point l’embourgeoisement d’un district s’effectue au détriment de son Histoire préexistante. À l’image des travaux de réfection des maisons nouvellement achetées, l’arrivée de ces personnes impliquent la remise à neuf de la culture locale afin de l’uniformiser avec celle de la culture blanche.


Afin de narrer cette tragédie, Merawi Gerima opte pour une mise en scène sensitive pertinente. La caméra se pose toujours à hauteur de ses personnages. Elle est proche d’eux pour saisir leurs émotions et parfois prend une certaine distance par pudeur face à la découverte de leur vécu.
Pour revivre les moments d’antan, un léger filtre est appliqué distordant légèrement l’image. Nous avons ainsi la sensation de plonger dans l’esprit de Jay et de revivre ses souvenirs quelque peu effacés. Loin d’édulcorer sa jeunesse, nous revivons autant d’instants doux que tragiques.
De même, pour accentuer le fait de vivre ce récit à travers Jay, l’auteur incorpore fréquemment des scènes de vie dénuées de dialogue. Nous nous perdons ainsi dans l’environnement sonore et nous concentrons sur l’émotion qui en découle. La scène du parloir synthétise parfaitement la démarche artistique.
Afin d'accentuer notre position omnisciente, la trame narrative ne suit aucune chronologie. Nous sommes plongés dans les pensées du jeune homme. Les scènes s'entremêlent donc sans aucun effet d'annonce.


Au final, Residue est une œuvre se vivant autant qu’elle se visionne. Le rythme lancinant et la déconstruction de la trame temporelle pourraient en déstabiliser certains mais le choix est en cohérence avec l’approche adoptée. L’auteur crée ainsi un premier long-métrage maîtrisé et d’une belle sensibilité.

tzamety
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le 6 janv. 2022

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