La question titre, un poil provocante, est le titre d'un documentaire passé sur France 2, à une heure tardive, monté à partir des images de soldats français en Afghanistan. Quel lien avec Restrepo ? l'Afghanistan, bien entendu. Pays sublime d'un théâtre d'opération lointain, oublié, dont finalement on a peu de chose à foutre. Vous imaginez, un documentaire en prime time sur une guerre qui ne dit pas son nom, qu'on ne comprend pas et qui empeste ? Une guerre où on tue ? Pour de vrai ? Impossible, faut miser sur Joséphine ou L'amour est dans le pré.
Mais le Hollywood est aussi capable de regarder la réalité en face, bien avant que cette idée puisse nous effleurer, nous, Français. Combien d'oeuvres françaises traitent-elles de manière critique la Guerre d'Algérie aujourd'hui, au regard de la qualité et de la masse des productions US sur le Vietnam ?
Il est légitime de se poser des questions sur une guerre, sur ses justifications, son essence. En réalité rares sont les oeuvres qui plongent dans ses entrailles. La guerre reste liée à un imaginaire collectif parfois limité : il faut montrer du spectaculaire, des actions héroïques, des explosions. Mais, aussi, certains cinéastes s’aventurent dans un cheminement plus complexe de ce phénomène, résistants aux sirènes les plus aisées. C’est le cas de Restrepo.
Phénomène complexe, la guerre est ici jetée en pleine face au spectateur. Pas de musique pour accompagner le pathos, pas d'acte de bravoure, pas d'intrigue entre sergents opposés dans une section. On l'oublie souvent mais la guerre ce sont la plupart du temps des types normaux, placés au milieu du chaos. Guerre juste ? On s'en fout. Ces types sont là et ils se battent. Ils attendent, brûlent leurs excréments, chope la gastro. Ils ont peur. Ils rêvent au retour. Ils tentent de comprendre un peuple millénaire qui se bat depuis 40 ans, qui n'a jamais été réellement conquis. Il y a ces respirations, ces aides aux population et puis, aussi, les bavures. Il y a cet ennemi qu'on ne voit pas, qui se mêle à la population. Il y a l'adrénaline d'avoir vaincu un adversaire qui a tué votre pote ; l'effroi de constater qu'on a tué des enfants.
Restrepo c'est un soldat mort au combat. Restrepo c'est un poste avancé. Restrepo c'est la guerre sous toutes ces formes, telles que nous la vivons en ce début de XXIe siècle et, sans doute, telle qu’elle est depuis bien longtemps. On peut maudire cette activité politique, mais il serait illusoire de se voiler la vérité : l'être humain semble s'être toujours battu. Tim Hetherington et Sebastian Junger semblent nous interpeller : « Hey, que croyiez vous ? Désolé, le monde est beau à l’image de ces montagnes afghanes, mais il est aussi terrible, à l’image de ces montagnes afghanes ».
La guerre, c'est moche. Ceci ne doit pas nous empêcher de regarder ces hommes qui sont là parce que des décideurs les ont envoyés. Ces derniers sont, dans nos pays démocratiques, des politiques que le peuple a élus. Qu'on soit d'accord ou pas avec les finalités de ce conflit, ces soldats méritent le respect.
Ce film n'est pas notable. Peut-on évaluer la pire expérience de nos sociétés humaines ? Il ne défend rien, n'est pas racoleur ou patriotique. Ceux qui le disent n'ont rien compris ou sont campés sur des positions politiques et idéologiques. On a le droit d'avoir des idées. On a aussi le droit de réfléchir et d'accepter les faits : la guerre est toujours là et l'occulter ne sert à rien.
Ce documentaire coup de poing nous interpelle : et nous, au milieu de ce merdier, que ferions-nous ? On se battrait ? On ne ferait pas de bavure ? On fuirait ? On se vengerait ? Et si on aimait ça ? On refuserait de porter les armes, sans aucun doute, pour les plus vertueux ?
Celui qui apporte une réponse définitive est un superbe menteur.