Cold Mountain surprend par son incapacité à croiser les fils narratifs qu’il s’efforce pourtant, pendant un premier acte réussi, de tisser séparément : l’entrelacs du passé bucolique et du présent douloureux ouvre sur un avenir incertain, sous formes de point d’interrogation politique – la guerre prendra fin dans un mois, se répète-t-on des années durant –, de points de suture d’un soldat devenu déserteur, d’une vision cauchemardesque perçue au fond d’un puits par miroir interposé. Le long métrage échoue toutefois à rassembler ces pièces éparses : les séquences qu’il compose sont d’une brièveté déconcertante, chacune d’elles se voyant interrompue par d’autres qui la parasitent sans jamais l’enrichir ou lui conférer un second niveau de lecture. Comment, dès lors, espérer s’attacher aux personnages ?
La multiplication des registres, du pathétique au romantique en passant par le tragique gore – les sévices imposés par les soldats aux femmes dégoûtent par leur complaisance dans une horreur qui paraît aussitôt fausse, voire provoquée – et le comique, ici campé par Ruby Thewes, auxiliaire agricole qu’interprète piteusement Renée Zellweger, contribue à cette perte d’unité, à ce morcellement narratif puisque chaque récit dispose de ses propres personnages et de sa propre tonalité. Les retrouvailles, expédiées comme le reste d’ailleurs, déçoivent en dépit de la magnifique partition musicale que signe Gabriel Yared et de l’implication du duo d’acteurs principaux, Nicole Kidman et Jude Law. Quant aux dialogues… n’en parlons pas, tant leur niaiserie suscite l’hilarité. Un mélodrame raté de la part du réalisateur du remarquable The Talented Mr Ripley (1999).