Un documentaire russe

Pour qui a lu "Un Roman Russe", le voyage que nous propose en image Emmanuel Carrère ne peut être que parlant et émouvant. Aux noms qu'un inconscient aurait traité à la lecture pour de simples personnages de fiction s'associent désormais des visages et des voix. Aux simples lettres sur un papier blanc répondent des vies humaines, des caractères que la caméra hésitante mais culottée filme sans gêne mais toujours avec une pudeur et douceur certaines. Et c'est grâce à celle ci que l'on se rend compte de la justesse de l'écriture de Carrère qui dit tout ce qu'il faut sans jamais trop en dire. Les scènes, ambiances et visages sont tels que lus, d'autant plus troublant que le livre de Carrère était marqué par une absence réelle de descriptions et par un sens précis de l'ellipse. Le film est une ballade d'autant plus émouvante qu'elle prend alors toute sa dimension réelle, tout sa véridicité.

Pour qui n'a pas lu "Un Roman Russe" : le lire, tout d'abord.
Ensuite ne pas être perturbé. Car si la confusion, le joyeux bordel, peuvent perturber, il faut en remarquer, et cela se fait tout seul, l'amateurisme quasi naïf, pur et beau dans son approche gratuite. Le film frise l'expérimental avec certaines images, va voir du côté du journal de voyage, en prenant par exemple des plans sublimes de paysages ou de chiens errants, et vise en tous cas une certaine abstraction. Mais, loin d'être intellectualisé, "Retour à Kotelnitch" est avant tout un film humain, profondément émouvant dont ses nombreux défauts, longueurs et répétitions ne font que souligner la tendresse fondamentale qui s'en dégage.