Tombé un peu par hasard sur ce film restauré récemment, il va falloir un peu de temps pour se remettre.


Le père Ted Kotcheff nous propose ici une plongée alcoolisée cauchemardesque dans une bourgade totalement isolée du milieu d'un désert australien hyper flippant.
Ici les gens s'ennuient, les gens sont consanguins, les gens sont fous à lier, les gens font peur et les gens picolent. Ils picolent grave ! Partout, tout le temps et en quantité astronomique.


Le pitch est super simple, super efficace.


John Grant est prof attaché dans un patelin du bout de l'Australie. Il veut rentrer chez lui, à Sydney, pour les vacances d'été.
Problème il a pas trop d'argent, parce qu'il n'est pas très bien payé. Il voyage en train et doit faire une halte à Bundayabba, cité minière posée au milieu de rien. Il doit y rester une soirée pour assurer sa correspondance. Il sort. Ambiance outback australien au coeur de l'été : il fait mortellement chaud.
Le coco il a bien envie de se désaltérer. Il prend une petite bière et à partir de là tout part en couille !
En mode destruction totale. Notre gaillard va tout simplement se perdre lui-même dans une débauche enivrée ressemblant à un long tunnel glauque, puant, crade et dont l'issue semble inexistante.
C'est-à-dire que notre petit prof a la bonne idée, au hasard d'un rencontre nocturne, d'accepter de jouer le peu d'argent qu'il lui reste. Au début il gagne, il double la mise et rapidement il perd tout.
Le pauvre pépère se retrouve donc piégé dans ce vieux bled pourri, perdu au milieu de rien et où tous les autochtones ont l'air totalement dégénérés. Mention spéciale à Donald Pleasence qui campe un Doc Tydon hystériquement alcoolique, qui picole gravement du soir au matin. Il va gentiment accueillir notre prof en perdition totale.
Ce dernier est contraint, par manque d'argent, de squatter ici et là, de vivre à la manière d'un hobo sans le sou, dégueu, qui pue le houblon séché et s'enfonce jour après jour dans un cauchemar incontrôlable et sans issue.


Une véritable descente aux enfers ponctuée par des scènes sidérantes comme une chasse aux kangourous qui dégénére en une tuerie sanglante, à mains nues, de nuit, éclairée par les phares d'une bagnole pourrie complètement défoncée. Ou une mega mega buverie entre copains qui se termine dans un chaos absolu, avec gunfight, délires alcooliques et baston généralisée. Ou encore les scènes de réveil où toute personne ayant déjà pris un cuite digne de ce nom, compatit pleinement à la souffrance de notre ami John Grant réveillé hors de chez lui par un soleil brulant, déshydraté, hagard, perdu. Et en prime le Doc qui t'accueille dans son taudis nauséabond, picole déjà depuis plus une heure et te propose un canette fraiche dès le petit déjeuner : "water's only for washing". C'est-à-dire qu'il a que de la bière au frigo !
Cauchemar sans limite dont notre personnage principal ne peut littéralement pas s'extirper. Il est bloqué là au milieu d'une bande de fous, au chomdu, laids, cons et puants. Beurk


Le Ted Kotcheff a quand même un sacré talent pour filmer les hommes qui tombent. Voir le First Blood (ou Rambo en français, sic) qui travaille la même thématique.
Ted nous emmène avec une forme de délectation cinématographique dans la chute infernale et sans limite de ces personnages principaux.
Et ici il ajoute en trame de fond un cadre assez particulier. A savoir une Australie ravagée par un alcoolisme globalisé. Il nous montre une contrée reculée, isolée, où les gens boivent très très fort !
Flics, médecins, cuistots, barmans, routiers, riches, pauvres, femmes... Tous ont un sérieux penchant sur la boisson.
Ce territoire perdu sera donc la chaîne et le boulet de notre personnage principal. Une fois entré dans cette folie alcoolique, impossible de faire demi-tour. Impossible d'en sortir à prix raisonnable. Et quand on croit que c'est bon, et ben non, on en remet une couche.
Ce cadre est également pour Ted Kotcheff l'occasion de dépeindre une misère sociale sous un soleil de plomb. Cette misère est décrite comme un piège, un carcan dont il est impossible de sortir et qui est compensée par une débauche alcoolisée sans limite. Ted Kotcheff montre un bout de rien où les gens vivent isolés au rythme du bruit des décapsulages de canettes.
Rarement dans un film on aura vu autant de litres de bière consommés à la minute. Et à la fin, on a plus du tout soif !
L'alcool rend fou.
Un film à projeter dans toutes les réunions des AA.

evguénie
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le 29 sept. 2018

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evguénie

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