Quand tu penses que le film a disparu pendant des années malgré une présentation au Festival de Cannes, ça laisse songeur. Car on a failli passer à côté d'une fascinante et éprouvante expérience de cinéma. Je connaissais un peu Kotcheff via Rambo forcément et son premier western US Un colt pour une corde. Je trouvais que c'était un réalisateur intéressant sans pour autant sauter au plafond mais là il nous a quand même fait un sacré film. Wake in Fright est une virée cauchemardesque dans l'outback australien. Celle d'un instituteur qui voulait rejoindre Sidney après des mois passés à enseigner dans un quasi-désert et qui se retrouve coincé dans une petite ville intermédiaire. C'est assez dingue d'ailleurs de créer une atmosphère aussi claustro avec ces grandes étendues comme toile de fond. On a un personnage principal qui se retrouve paumé dans une ville perdue avec une population accueillante à sa manière. Trop accueillante même.
Nous voilà alors plongés dans un univers étouffant où John l'instituteur cultivé se retrouve confronté à des locaux qui ne veulent pas le lâcher, qui veulent qu'il aime "The Yabba". Voilà comment une simple étape intermédiaire devient un cauchemar sans fin. Le malaise ressenti pendant le film est vraiment fort, d'autant plus que l'intensité grimpe crescendo au fur et à mesure que les griffes de Yabba s'enferment sur John. En cela, Wake in Fright ne vole pas son nom. Le film est terrifiant, à tel point que l'on se demande si il n'y a pas pire endroit sur Terre. J'ai vraiment aimé cette glissée progressive vers cette prison à ciel ouvert, avec ce personnage incapable de refuser ce qu'on lui propose par politesse. Voilà ce qui arrive quand on est trop éduqué! Ses principes mêlés à sa nature humaine le conduiront à la perdition.
L’atmosphère du film est vraiment géniale. Outre ce climat oppressant, il y a des scènes qui marquent par leur violence crue. La chasse nocturne en est la parfaite illustration. Tu vois ce groupe d'hommes qui va assassiner gaiement du kangourou pour le plaisir de tuer, pour passer le temps. On a là une nature humaine primaire qui prédomine et où il vaut mieux retrouver ses instincts primitifs pour survivre. En ça le personnage joué par Pleasence est génial. L'homme qui a étudié la médecine s'est laissé happé par la folie de Yabba pour ne plus jamais songer à la quitter.
Le film est mis en scène de manière admirable. Kotcheff sait créer cette sensation d'immersion dans une atmosphère étouffante. Chaque scène renforce progressivement ce climat malsain et dérangeant. Le montage est sec et contribue aussi à rendre le film oppressant. La séquence où John va revoir le docteur chez lui m'a fortement fait penser à Straw Dogs de Peckinpah avec cette alternance de plans courts et brusques. Tu sens le talent derrière pour créer le malaise, c'est vraiment fort. Wake in Fright est un film traumatisant et formellement très abouti, avec une photographie très appréciable grâce à son grain. Une expérience fascinante que je conseille fortement.
Une chose est sûre, c'est que ce film vous dégoûtera de la bière pendant un mois.