Alors c’est quoi, le rape & revenge ? C’est généralement une jolie fille qui se fait violer par deux ou trois salopards, est laissée amochée et agonisante, puis revient plus tard se venger en trucidant un à un ses agresseurs. Genre à part entière dont I spit on your grave, L’ange de la vengeance et La dernière maison sur la gauche (même si, dans celui-là, ce sont les parents qui prennent les choses en main) seraient les fiers représentants, le rape & revenge a soulevé (et soulève encore) nombre de questions par rapport à son voyeurisme et sa complaisance (dans le viol comme dans les meurtres) aptes à flatter nos plus vils instincts. Car au-delà du genre, au-delà de sa vision binaire d’une morale avilie (phallocratie crasse vs misandrie revancharde), que cherche réellement à nous dire le rape & revenge ?
Pas grand-chose finalement, sinon que l’homme est une bête pour la femme, et la femme une chose pour l’homme. Tous des ordures qui ne pensent qu’à ça, toutes des proies qui l’ont bien cherché (et pas d’autres alternatives). Coralie Fargeat, à l’heure des #MeToo, #BalanceTonPorc, Time’s Up, droit à être importunée et autres féminazies, semble elle aussi ne pas aller plus loin que ça (jolie fille, salopards, viol, vengeance, un suppo et au lit) malgré sa volonté à vouloir porter "un message de girl power assez simple mais libérateur". Oui pour l’intention, non pour la mise en pratique : son Revenge pop, coloré et gore, reste un exercice de style sans surprise à velléités sociétales, avec un propos féministe passe-partout dilué dans des litres d’hémoglobine.
Entre le Grave de Julie Ducournau (pour l’aspect rock’n’roll), les films de Fabrice Du Welz (pour le côté saignant) et de Cattet et Forzani (pour le pur formalisme), Fargeat signe un premier film qui brille autant par ses qualités que pour ses défauts (à commencer par un minimum de vraisemblance, et même en acceptant l’idée d’une outrance assumée, plus plans sanguinolents inutiles, raccourcis scénaristiques, interprétation limite…). Certains se sont (inutilement) insurgés du fait que Fargeat ait filmé Matilda Lutz en privilégiant anatomie et jolies courbes, faisant soi-disant le jeu d’un machisme libidineux, quand elle réserve pourtant le même sort à Kevin Janssens qu’elle ne se prive jamais d’érotiser à mort (souvent torse nu, belle gueule, en combi cuir ou à poil lors de l’incroyable final). Et c’est là l’une des réjouissances (tardives) de Revenge : faire de ses Adam et Ève hypersexués (la pomme croquée au début du film, les paysages lunaires du désert marocain comme un Éden sans fin…) des amants terribles se foutant correctement sur la gueule.
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