Pour tout dire j'avais un peu peur de ce Revenge, tous les signaux étaient au rouge. On a un titre en anglais qui fait un peu épuré, tout semble être mis pour avoir de zolies images saturées et très clairement j'avais peur du film poseur qui se prend au sérieux, voulant donner des leçons sur le genre avec plein d'effets visuels racoleurs.
Et en fait, c'est sans doute un peu tout ça, mais j'ai trouvé ça étonnamment bien fait.
Clairement durant tout le début du film on a une Matilda Anna Ingrid Lutz hypersexualisée (et en vrai de mémoire je ne suis pas certain d'avoir un personnage plus sexualisé que le sien), on joue sur les codes du cinéma, elle a les lunettes et la sucette de Lolita, on sent que Coralie Fargeat a ses références, tout est fait pour mettre ses fesses en valeur... On a plein d'effets visuels clinquants... Limite on aurait pu se croire devant Michael Bay qui filme le cul de Megan Fox dans Transformers.
C'est clairement fait pour faire naître le désir chez les spectateurs qui est finalement placé dans la position du violeur du film (puisqu'on est dans un rape and revenge), à savoir un mec qui voit ce déluge de ce sexe devant lui, mais auquel il n'a pas droit... Lui et le spectateur voient cette fille comme un simple objet de désir, elle n'a littéralement aucune personnalité si ce n'est celle d'être une allumeuse. On est clairement dans un film qui a conscience de faire du cinéma et qui ne va pas se priver pour nous l'étaler à la gueule.
Mais là où c'est habile, c'est que la scène de viol se déroule quasiment intégralement hors champ, ne donnant pas au spectateur le petit plaisir voyeur qu'il aurait pu avoir, mais lui proposant à la place un spectacle réellement dégoutant lui donnant l'effet qu'il aurait dû ressentir en voyant un viol.
C'était malin et ça montre que la réalisatrice a bien conscience des images qu'elle produit et de leur impact sur le spectateur.
S'en suit ensuite un festival de gore hautement improbable, mais que j'ai trouvé encore une fois rondement bien mené, rien que dans l'écriture des personnages. Parce que l'équipe de mecs où il y en a pas un pour rattraper l'autre niveau dégueulasserie et beauferie se retrouve finalement un brin plus complexe que ça et j'ai notamment apprécié le fait que le violeur soit en fait le mec le plus raisonnable de la bande. On n'est pas tout à fait dans un schéma classique, ça propose un peu autre chose et surtout ça montre que les choses ne sont pas aussi simples qu'elles en ont l'air.
Et puis on aura beau dire mais Coralie Fargeat sait ce qu'il faut pour proposer un bon rape and revenge. Je râlais l'autre jour sur Promising young woman où clairement la réalisatrice n'arrivait pas à renouveler son récit, ici il y a un vrai jeu, absolument délicieux, du chat et de la souris qui s'installe. Les tendances peuvent s'inverser, Fargeat sait changer de point de vue lorsqu'il le faut pour faire naître la tension et placer ses personnages dans des situations de plus en plus compliquées.
Puis, que dire de la pluie de sang dans le final ? il y a une réelle bestialité qui sort de tout ça, les corps nus se battant dans une maison rouge de sang, mais oui, c'est ça qu'il faut.
En fait si Fargeat avait des choses à dire sur le cinéma, éventuellement sur le féminisme, mais elle n'oublie jamais de le faire par le cinéma et en faisant ressentir des choses à ses spectateurs, sans les assommer par un discours qui viendrait flinguer toute la simplicité qu'a besoin ce genre de film pour être jouissif.
Bref, je m'attendais à passer un sale moment devant un film bancal, qui en fait dix fois trop, mais c'est le contraire, c'est maîtrisé, jouissif, intense, peut-être un poil long, mais j'ai pas boudé mon plaisir !