Il faut le savoir, je suis une saloperie d'hipster puriste qui se tourne naturellement vers les classiques et les derniers films des grands cinéastes. Aucun risque a priori que j'aille voir un film contemporain -entendre inconnu-, indépendant -entendre fauché-, français -entendre raté-, qui plus est pour son avant première -entendre pour groupie- en salle -entendre payant-. Mais puisque c'était gratuit via la très opportune cinexpérience Sens Critique, alors j'ai forcé mon destin et ma curiosité -pas trop le choix cela dit une fois ses fesses posées, à moins de quitter la salle en cours de projection-. J'ai à la fois été contredit dans mes certitudes, et conforté dans celles ci.
Contredit, car ce film est une fable moderne dont les thématiques, très pertinentes et actuelles, m'ont touchées. Je suis Salomé, qui se tourne irrésistiblement vers le théâtre enchanteur de son enfance, et déplore, mutique et désabusée, sa ville et son mode de de vie. Je suis Jessica, incapable d'assouvir sa passion et toujours en recherche de sens, qui pleure, à l'approche de la trentaine, la fugacité de ses jeunes années. Je suis Mathis, investissant la ZAD pour agir, vraiment. Il faut reconnaitre au film, essentiellement dans sa première moitié, la capacité à avoir su réunir et incarner cette galerie de portraits déchus et glapissants, dans une séduisante ambiance de Dordogne isolée.
Conforté, car je rejette à peu près tout le reste. Je rejette Clément, sorte de love interest endeuillé et monocorde, vissé sur son quad et sous ses cheveux teints en blond. Je rejette le cycliste, sorte de sous Vincent Lindon dans La loi du marché, qui a l'intérêt de marquer précisément le moment où le film commence à tourner à vide et à déraper. Je rejette les parents, qui ne jouent pas juste et dont le récit de leurs choix électoraux m'ennuie franchement. Je rejette les scènes d'appartement lunaires, avec cette intro gênante qui trompe le spectateur sur l'orientation du film, et cet épilogue bancal qui nous offre toute la lourdeur d'un after vue par un cinquantenaire. Et puis je rejette ce happy end mielleux qui vient faire s'effondrer tout ce que le film avait réussi à construire.
Me reste des interrogations. Suffit il de citer Macron pour parler de la macronie? Suffit il d'évoquer un accident pour invoquer Rémi Fraisse? Suffit il d'un petit témoignage pour couvrir des sujets aussi lourds et complexes que les emplois précaires, l'exclusion, le rejet politique, le militantisme? Le cimetière des aspirants n'est pas seulement celui des personnages de ce film, c'est aussi celui d'Alain Raoust, qui aurait peut être mieux fait d'investir les planches de théâtre, et gagner ainsi en pouvoir d'évocation.