Si on prend la plupart des éléments disséminés dans rêves de jeunesse, on se dit qu’on devrait y trouver son compte: une déchèterie perdue au milieu de rien, une jeune femme qui vient s’y enterrer volontairement, des rencontres insolites, des gens hauts en couleur, des utopies, des souvenirs, et un deuil.
C’est dans l’agencement de ces éléments et dans leur mise en perspective que les choses se compliquent.
On ne comprend jamais vraiment le personnage de Salomé, on a beau essayer, se dire qu’elle a peut-être quelque chose à nous dire, une quête, une envie, un rêve, ou au contraire qu’elle a perdu tout but et que c’est ce qui la rend intéressante.
On a du mal à comprendre ce qui la motive, ce qu’elle ressent ou ce qu’elle est.
Ce serait encore un moindre mal si on pouvait complètement goûter au reste, à ces personnages annexes qui voudraient être attachants: l’agressive concurrente d’une émission de télé-réalité, le gringalet maladroit dans sa drague perpétuelle, le cycliste au bout du rouleau.
Chacun arrive avec son lot de souffrances et d’espoirs, et on voudrait pouvoir rêver avec eux, les voir évoluer, se croiser, se disputer, se lasser, se laisser, avancer, revenir en arrière,...
Oui mais on est empêché dans notre bonne volonté: il y a quelque chose de très artificiel dans le film qui nous freine, qui ne nous laisse pas exploiter notre empathie.
Le gros problème, ce sont les dialogues. Régulièrement, et pour à peu près tous les personnages, on a droit à des passages très écrits, à des lignes de dialogues déclamées sans naturel.
Pour le personnage de Salomé qui est quasi mutique, ce n’est pas vraiment gênant: qu’elle reste une énigme et qu’elle sorte des sentiers battus fait sa particularité.
Mais c’est comme si tous les autres autour d’elle se “donnaient un genre”, et que par moment ils quittaient leur personnage pour une ligne de dialogue sortie de nulle part, arrivée comme un cheveux sur la soupe. On accepte que les être humains soient toujours plus que la première impression qu’ils laissent: que des dehors brutaux cachent des personnalités attachantes, on aime ça d’ailleurs, mais le problème est plus profond ici.
On a bien du mal à croire aux errements et espérances de ces gens qui manquent de substance, on ne quitte jamais l’idée que ce sont des personnages façonnés par un réalisateur, on ne se laisse jamais porter.
Même le personnage de Jessica pourtant brillamment interprété par Estelle Meyer n’est pas toujours juste: et pas uniquement quand elle se met à philosopher, non dès ses premières répliques on sent une gêne, qui sera ensuite estompée.
Idem pour les enregistrements avec la voix de Mathis ou la lecture de la lettre du cycliste: on veut donner un ton particulier à chacun de ces éléments mais à trop vouloir faire “genre” , on perd en efficacité.
Cette impression d’artificialité est renforcée dans le dernier segment du film qui fait entrer dans la partie les parents de Clément, permettant à la mère de livrer ses réflexions sur la politique et le vote.
Sorti de nulle part, superflus, inutile et complètement malvenu à ce moment du long métrage, voilà qui a fini par me désolidariser de ce que je voyais.
Rêves de jeunesse aurait pu être un très beau film, il en avait l’ambition et les moyens, mais il n’a pas su aller me chercher alors que j’avais bien envie de suivre l’itinéraire de Salomé. L’actrice principale est celle qui avait déjà joué un personnage énigmatique dans Baden Baden, où elle était bien plus pertinente (mais aussi plus aidée par un film plus cohérent).