Waterhouse, scénariste inspiré de Ridicule, s’en expliqua lui-même et admit au sujet de son œuvre que "ces jeux de l’esprit ne sont pas à fleurets mouchetés, ici on est chez les tueurs". Que l’on ironise derrière parures, vestes et jupons soyeux, ou vitupère sous quelques perruques extravagantes, qu’il fallût se montrer bien sot pour ne déceler là l’innommable fiel assassin (ah, ce joli ridicule tant redouté !) tapi à l’ombre de saillies drolatiques et autres vils persiflages, celui-là même qui broie, discrédite tout courtisan et nobliau qui manqueraient soudain d’à-propos, de piquant ou même d’équilibre.

Mais qu’importe la rhétorique brillante, le trait mordant ou la moquerie cinglante, la formule se doit avant tout d’être une arme servant aux duels feutrés des dîners et des distractions. Certes, les mœurs sont simples, les habitudes frivoles, les engagements libertins, mais la réputation et la faconde, elles, ne peuvent souffrir de tant de légèreté, de tant d’inconséquence. C’est que la Cour de Louis XVI, voyez-vous, est badine et cruelle, et dans son plein orgueil (elle a, dit-on, ses préférés, et s’en indigner tout juste va pour la forme car c’est un fait établi dont il faut pouvoir s’accommoder) s’affectionne, se repaît d’intrigues et de joutes, de perfidies et d’éloquences, et ne peut s’offusquer point, finalement, d’un vit s’épanchant au nez d’un ancien ennemi ou d’un croc-en-jambe discret mais retors (on ne craint d’user, parfois, d’un soupçon de familiarité et de grivoiserie).

La vanité et l’arrogance ne connaissent que peu de répit parmi les ors des salons, et les tournois de bel esprit, de bouts-rimés, annoncent davantage le destin moribond et sans gloire d’une société délétère sachant disposer d’une soi-disant spiritualité, mais au contraire de fort peu d’humanité, de compassion, et ne font croire davantage encore à possible grâce quand, dans un écho plus actuel, le paraître n’a de brillant que sa prétention et sa vacuité.

Leconte est un coquin qui s’amuse des tricheries, amourettes et autres complots d’alcôves, se complaît du faste des boudoirs, du clinquant des bals où âmes féroces et rictus onctueux dissimulent, et moins qu’ils ne montrent, peines et afflictions qu’on ne saurait tolérer en public, pris au piège d’un milieu vaquant à sa propre perte dont ils se fussent joués même en l’admettant avec honneur ou s’y résignant jusqu’à trépas. Le verbe est haut, le mot implacable, la dentelle exquise et les gens à croquer, mais ces risibles mondains, rompus aux conventions du jeu et de la séduction, et tout à leur intelligente futilité, restent aveugles à leur triste déchéance. Sous l’apparat ostentatoire de la reconstitution historique, quelle œuvre a-t-on ici, et d’une si élégante drôlerie, d’une si folle modernité !
mymp
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le 8 févr. 2013

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