Ce qu'il y a de cocasse avec Ridicule est qu'un échange au sein du film résume à lui seul son principal problème. Echange au cours duquel le protagoniste Ponceludon de Malavoy se trompe en citant Voltaire. En effet, ce dernier de dire: " L'esprit est comme l'argent: moins on en a, plus on en est satisfait" Et son entourage de le corriger:"L'esprit est le contraire de l'argent: moins on en a, plus on en est satisfait". Pourquoi est-ce un bon résumé? Car c'est là que réside son défaut majeur: un travail somptueux dans sa forme, visuellement impeccable, que ne ne parvient pas à sublimer une écriture manquant par trop de richesse et de finesse.

Malgré ses acteurs, ses costumes et décors, il manque au long-métrage de M. Leconte ce quelque chose qui ferait basculer son film dans le sublime. Le tout n'est pas, dans un discours, d'aligner les références et les règles académiques. L'art de la joute verbale réside justement dans le sens de la formule, un esprit d'à propos qui ne s'apprend pas par un enseignement tristement scolaire mais par une connaissance intuitive de l'étiquette, de sa place dans la bonne société, de son appartenance sociale et de son public. De même, tout l'exercice pour se maintenir à flot à la Cour repose davantage sur un travail de musicalité des mots, le don de flatter l'assemblée tout en distribuant les critiques, contrairement à ce que donne à voir le film. Tout l'enjeu des courtisans est de plaire, non de s'attirer l'ire des puissants. Malheureusement, le cinéma n'a tendance qu'à retirer des habiles machinations de Cour que leurs aspects"mordant et provocateur". Ainsi, il devient moins question dans Ridicule du Beau langage que des intrigues hourdies par les noblions et leur déconnection du réel. Si l'intention est plus que louable, découle de ce parti pris une absence de vrais moments de grâce, de vrais saillis.


Par ailleurs, la manière de dépeindre ses complots et manigences manque singulièrement d'habilité.


Enfin, ce jeu de dupes se fait au detriment même du sujet du film.


On ne creusera pas par exemple la question de la servilité à un Roi éloignés de tous. Et on ne se focalisera surtout pas sur cet Art du beau langage dont on nous rabache pourtant les oreilles tout au long du film. On en oublie le travail de performance actoral du courtisan, cet individu perpétuellement contraint à un numéro d'équilibriste vis-à-vis de l'Assemblée. Le talent que cela demandait de capter tout un auditoire, talent passant par un savoir-faire, un sens du raffinement et un zeste de brio faisant défaut au script de Ridicule. Peut-être la volonté de faire un film d'apparence populaire conduit-elle à réduire des enjeux complexes, derrière leur frivolité, au plus petit dénominateur commun. Toujours est-il qu'on assiste plus à une série de "battle" de clash entre membres de la Noblesse qu'à une démonstration édifiante de flatterie et de traits d'esprit. Clairement, le film se perd dans ce qu'il veut montrer, ses ambitions sont étouffées pas son faste comme Ponceludon par les intrigues de Cour. Leconte va même jusqu'à "bannir l'humour" du monde de la Noblesse (un comble tout de même lorsqu'on se penche sur la culture française) , de manière à souligner l'aspect dictatorial, inhumain et corrompu du régime français du XVIII ( enfin, on serait plus proche du XVII mais pourquoi pas?).

Pour conclure, si on saluera la performance des acteurs, sa réalisation et le savoir faire de son équipe, on restera sceptique face à un scénario assez conventionnel et sans grand génie.


Aegus
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